Arte repasse le film sous le titre : The Beatles le monde est à eux - En tournée 1962-1966, qui n'est pas particulièrement plus clair ni vraiment bien assorti au contenu. Disponible sur son site internet jusqu'au 8 aout 2021 dernier.
J'en ai surtout retenu la chronique d'une montée progressive de la violence d'un nouveau public (les ados des trente glorieuses, la génération du baby boom de l'après-guerre) qui vire à l'hystérie. Sous cette pression, on suit la transformation d'un groupe sympa et créatif en bête de foire, puis en animal de sacrifice dans de grandes messes païennes données dans des stades (je brode un peu là mais la réaction des ricains sur l'a parte innocent et sans intérêt de John Lennon est très excessive et il y a quelque chose derrière qui relève de l'inconscient collectif). C'est assez bien expliqué dans le dernier quart du film. On sent, à ce moment-là, dans les commentaires des quatre intéressés qu'ils sont de plus en plus inquiets pour leur sécurité. A juste titre, pour l'un d'entre eux au moins ça finira mal mais quinze ans plus tard. Il aurait dû continuer à se méfier de l'Amérique et rester tranquillement dans un de ses manoirs anglais.
Est-ce que c'est exactement le propos du film ? Non, le réalisateur ne prend pas partie clairement. C'est tout le problème des biopics basés sur des documents d'archives. Je suis plutôt un fan de seconde main. Comment expliquer ça ? J'ai entendu Michèle, à la radio, le mois de sa sortie ou quasiment, mais je n'ai découvert la vraie richesse du groupe que de dix ans plus tard quand (et ça sera un marronnier de la vente de disques) les marchands du temple se sont de nouveau grassement enrichis sur le dos de la bête huit bras. Dans les faits, je suis - de loin - la documentation visuelle et sonore autour du groupe depuis plus de quarante ans. Le contenu du film est plutôt original et sort vraiment des quelques fragments qui sont habituellement présentés dans les rétrospectives qui accompagnent les multiples rééditions d'albums. C'est un point positif du film qui le rend vraiment intéressant. Pour être clair moi-même, ça reste quand même un puzzle atomisé façon tableau impressionniste avec de larges touches mais on peut difficilement reprocher à Ron Howard de s'être approché de son sujet sans vraiment le révéler parce qu'il est lui-même américain, ce qui reviendrait à se suicider professionnellement.
Ce rapport à la foule qui passe de l'adoration hystérique au lynchage médiatique - et pire plus tard, mais, je le rappelle, ce n'est pas dit dans le film - aura poussé le groupe à prendre ses distances avec elle pour se concentrer sur la production en studio. Le film est net et sans bavure sur ce point : à partir de ce moment-là, les Beatles écrivent de meilleures chansons et réalisent le meilleur disque de tout les temps en inventant par la même occasion la notion de concept album. Sur ce point, je suis d'accord à cent pour cent, la vraie légende du groupe commence à partir des albums Rubber Soul et Revolver pour atteindre l'apothéose avec Sergent Pepper.