Road to Nowhere!
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le 20 juin 2024
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Jeff Nichols revient après huit ans d’absence. Et c’était long. Pour son nouveau film il a choisi de donner vie au livre reportage de Danny Lyon intitulé The Bikeriders. Un recueil de photos et d’interviews sur la vie d’un club de moto, les Chicago Outlaws, au tournant des années 60. Le travail de Lyon était proche du documentaire, le film de Nichols l’est aussi.
Il y a bien sûr quelques éléments de fiction, notamment l’improbable triangle amoureux formé par Kathy, Benny et Johnny. Les Outlaws, gang toujours en activité et pas du genre à aimer qu’on parle trop d’eux aujourd’hui, sont devenus les Vandals. Mais pour le reste, quand on a lu le livre de Lyon, c’est stupéfiant de voir à quel point le film lui est fidèle.
Et quel film…
Nichols ne signe pas L’Equipée Sauvage façon 2024. C’est même le contraire. Ici, très peu de romantisme ou de romanesque. Il refuse presque tout le temps l’iconisation trop facile de ces hommes sur leur moto (mais chaque scène les représentant en mouvement est un pur régal propre à diffuser des frissons dans tout le corps) pour les filmer au jour le jour. Les Vandals, ce sont surtout des mecs qui passent leur temps à bosser sur leurs motos et à faire n parler en sifflant des bières. Alors, oui, il y a du cuir, de la gomina et du chrome, mais pas tellement de glamour.
Et celle qui en parle le mieux, sans détour et avec une vérité désarmante, c’est Kathy. Elle a intégré le groupe presque par hasard. Un soir, elle était là, c’est tout. Et elle est tombée amoureuse de Benny. Benny, c’est le motard à l’état pur. Il se fiche du monde qui l’entoure et vit en total détachement. La seule chose qui l’intéresse, c’est chevaucher sa bécane. Et porter fièrement les couleurs des Vandals.
Le troisième pilier du film, c’est Johnny. Le président et fondateur des Vandals. Il se prépare à passer la main et voudrait voir Benny lui succéder. Mais Benny ne veut pas de ces responsabilités.
Avec un casting tel que Jodie Comer (excellente et empathique envers Kathy), Austin Butler (iconique à souhait) et Tom Hardy (qui prouve à quel point il vaut plus que ses cachetonnages chez Vénom), cela serait presque suffisant pour captiver.
Mais Nichols ne se contente pas de coller aux basques des Vandals. À travers eux, c’est le portrait d’une Amérique qui n’existe plus qu’il dresse en traits impressionnistes. L’innocence des 50´s n’est plus. Les 60´s ont à peine eu le temps de s’installer que les les désillusions des 70’s pointent leur nez. Les Vandals accueillent des laissés pour compte qui n’ont pas trouvé leur place dans une société qui ne veut pas d’eux. Et comme le rebelle solitaire n’est qu’un mythe, ils se sont trouvé une place dans ce club qui n’est pas regardant sur le pedigree de ses membres. La contre-culture y trouvera un terreau plein de promesses.
Les Vandals, eux, vont grandir sans contrôle. Les vieux n’y comprendront plus les jeunes. Johnny sera dépassé par sa création. Les bagarres festives entre membres le seront de moins en moins. La bière aura un goût amer et la drogue viendra s’en mêler. La fête finie, ce sera le règne de la violence. D’un club plutôt pépère et bon enfant, les Vandals deviendront une organisation criminelle. Le rêve est mort et l’héritage est dilapidé. L’Amérique, au sortir de la guerre du Vietnam n’a plus le même visage et n’a plus de place pour les rêveurs.
À la fin, Benny a laissé sa moto au garage. On ne saura jamais à quel point elle lui manque. Mais le film se termine sur son sourire. C’est déjà ça.
Et c’est surtout un putain de bon film.
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le 20 juin 2024
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