The Bikeriders
6.7
The Bikeriders

Film de Jeff Nichols (2024)

De la testostérone à gogo, de la bière, des cigarettes ... et un curieux triangle amoureux

Réalisé par Jeff Nichols, The Bikeriders s'inspire d'un livre d’entretiens et de photos du même nom, publié en 1967 par Danny Lyon. Jeff Nichols est l'un des réalisateurs américains les plus prometteurs de sa génération, un "jeune" réalisateur que je suis avec le plus grand intérêt depuis 2012 et son formidable Mud. À "seulement" 45 ans et déjà 16 années d'une carrière qui a débuté avec Shotgun Stories (2007), il jouit d'une réputation plutôt flatteuse auprès des cinéphiles. Depuis ma découverte de son cinéma avec Mud, il ne m’a jamais déçu. Et pourtant, son dernier film Midnight Spécial remonte à 2016 (8 ans déjà) et depuis ... plus rien !

Heureusement, il nous revient aujourd'hui, 8 ans après, avec ces presque deux heures d'une vision d'une Amérique pauvre du sud, qu'on ne voit pas beaucoup en dehors de son cinéma. Dans les années 60, au cœur de l'Amérique (dans le Midwest), on suit un gang de bikers, les Vandals de Chicago. Le gang est dirigé par Johnny (Tom Hardy), un leader redoutable, mais au cœur tendre. Quant à Kathy (la formidable Jodie Comer), c'est une jeune femme totalement hermétique à ce monde des motards, mais dés qu'elle croise le regard de Benny (Austin Butler) dans un bar, elle tombe immédiatement amoureuse de lui. Elle va épouser Benny et son mode de vie, ce qui ne se fera pas sans douleurs ...

Le film est un condensé du livre de Danny Lyon qui est à la fois un album photo et un livre d'entretiens, puisque le photo reporter (Mike Faist) ne se contente pas de prendre des photos, il enregistre également le témoignage de Kathy et des motards. C'est donc sur une période de 1965 à 1973 que nous allons suivre l'évolution des Vandals, passant du club amical de motards dans les années 60 à un véritable gang dangereux dans les années 70. Le film prend alors la forme d'une enquête pour démêler le pourquoi du comment de cette transformation. Et je ne pensais vraiment pas me passionner autant pour une intrigue se déroulant dans le monde des motards. Mais c’est la magie du cinéma de Jeff Nichols, qui sait raconter des histoires, créer une atmosphère et nous emporter dans des univers qui ne sont pas les nôtres. Jeff Nichols est comme un explorateur qui creuse pour déterrer les "trésors enfouis" au tréfonds de l’âme humaine.

The Bikeriders est donc un film sur une bande de motards, mais c'est aussi et surtout une histoire d'amour, ou plutôt des histoires d'amours. Vous avez donc Kathy qui est amoureuse de Benny, mais vous avez aussi Johnny qui tient en haute estime Benny. C'est un sorte de triangle amoureux, avec Benny qui devra choisir entre sa femme Kathy et Johnny qui symbolise le monde des motards. Benny est donc tiraillé entre sa femme Benny qu'il aime profondément et son amour pour ce gang de motards qu'il considère comme sa propre famille. Peu importe donc, que vous aimiez les moteurs ou que vous n'aimiez pas les moteurs, car The Bikeriders parle à tout le monde. C'est avant tout une histoire d'amour qui questionne le bonheur, la famille et l’amitié viril, au son des hymnes rock et folk des années 60/70. Le gang vogue sans but de bars en bars, d'un parkings à un autre, pour finir en pique-nique entre assoiffés. Cette bande de motards désespérés, enivrés et à moitié amorphes, de gueules cassées et de réacs, nous répugnent et en même temps, ils nous fascinent.

Côté casting, c'est un sans faute absolu. Austin Butler (Feyd-Rautha dans Dune Deuxième partie), qui n'est pas sans rappeler un Brad Pitt jeune, impose son sex-appeal dés qu'il apparait à l'écran. Je pense notamment à ce moment au tout début du film, lorsque Kathy l'aperçoit pour la première fois appuyé sur le billard, avec ses airs penchés à la James Dean. L'ombre de James Dean dans La Fureur de vivre plane au-dessus du film dés la première scène d'ouverture. Et puis, il y a Jodie Comer (Marguerite de Carrouges dans Le Dernier Duel) qui crève l’écran à chacune de ses apparitions. Non seulement elle est sublime, mais en plus elle est talentueuse. Elle a travaillé son accent et sa posture pour paraitre faussement ingénue, c'est absolument jubilatoire. Jodie Comer est l'atout féminin et féministe d'un film qui transpirent la testostérone et la bagarre. Vous avez Tom Hardy excellent en leader torturé qui va très vite se sentir dépassé par les événements, ainsi que toute une collection de salles gueules, à commencer par Michael Shannon qui apparait dans tous les film de Jeff Nichols, ou Norman Reedus qui s'est échappé de Walking Dead.

Attention, The Bikeriders est un film à voir absolument en VO, pour apprécier cet accent du MidWest inimitable (ou presque) et incompréhensible (les sous-titres sont obligatoires). Et si certaines critiques reprochent au film sa lenteur et de ne pas raconter grand chose, c'est mal connaitre le cinéma de Jeff Nichols. Ses films ne sont pas lents, ils sont contemplatifs. Ses films ne racontent pas grand chose en surface, mais au fond ils racontent beaucoup de choses. Beau, lyrique, captivant, mélancolique, sauvage, tragique, The Bickeriders signe le grand retour de Jeff Nichols au premier plan. C'est pour l'instant et à mes yeux, l'un des meilleurs films de 2024 et peut-être bien le plus beau film de Jeff Nichols !

Créée

le 23 juin 2024

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lessthantod

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