The Bikeriders
6.7
The Bikeriders

Film de Jeff Nichols (2024)

Le passage progressif et irrémédiable, lors de la fin des années 1960 et du début de la décennie suivante, d'un clan de motards, utilisant leur engin comme la manifestation d'une utopie libertaire, à un gang entrant de plain-pied dans la criminalité (marquant une forme d'impossibilité de vivre en dehors de la société, sans finir par aller à l'encontre de celle-ci !), filmé par la caméra du réalisateur de Take Shelter, qu'est-ce que ça donne ?


Un long-métrage qui manque gravement d'une narration maîtrisée. Dans un premier abord, cela semble vouloir adopter le point de vue de l'épouse (incarnée par Jodie Comer, avec un accent du Midwest à couper à la tronçonneuse !) d'un des rebelles du bitume, le plus tête brulée d'entre eux (Austin Butler avec une dégaine à la James Dean !). Épouse qui est interviewée par un journaliste, lors de deux périodes différentes, et qui, par l'intermédiaire de ses réponses, assure la voix-off. Mais la narration s'en écarte souvent pour se concentrer sur le fondateur et chef du groupe (incarné par Tom Hardy, se débrouillant pour ce qui est de souligner la fragilité ainsi que l'impuissance d'un être dépassé par l'évolution de sa création, mais manquant singulièrement d'autorité naturelle pour être crédible en leader qui parvient, pendant un temps, à tenir au pas des durs à cuire ou qui prétendent l'être !). Et parfois, ça va ailleurs, notamment pour introduire l'antagoniste final. Bref, ça s'éparpille un peu partout et ça contribue à empêcher le film d'avoir une bonne consistance.


Pour ne rien arranger (et ce qui est une des conséquences du défaut susmentionné !) durant plus d'un quart d'heure-vingt minutes, sans raison valable, le personnage joué par Butler disparaît (cela sort à ce point de nulle part que je me suis même demandé s'il n'était pas mort hors-champ et sans que le spectateur soit prévenu !). Et là, on a une grosse ellipse dommageable, car le caractère en question, lors de ce laps de temps, connaît une très grosse évolution psychologique. Elle débarque comme cela, sans qu'elle soit creusée un minimum. On parle quand même d'un des trois protagonistes de l'histoire.


De plus, les personnages secondaires sont inexistants. Il y en a tellement que le tout s'éparpille, là aussi. Dans cette catégorie, excepté Michael Shannon (grand fidèle du cinéaste !) ainsi que Norman Reedus, et uniquement parce qu'ils sont très charismatiques (donc ils ont juste à apparaître pour que l'on fasse attention à eux !), absolument personne ne se distingue vu que le rôle de chacun se réduit à une simple silhouette, y compris le journaliste, alors que ses échanges avec le personnage féminin principal auraient pu apporter un certain dynamisme et un supplément humain à la manière (ou plutôt une des manières !) dont est conduit le récit. Et, symptôme de tout ce que je viens de souligner, quand un des membres du club meurt accidentellement, ça ne provoque pas la plus petite émotion, étant donné que ce n'était qu'une silhouette parmi tant d'autres.


Certes, The Bikeriders peut accoucher sporadiquement de quelques courts moments forts, notamment quand le meneur des fous du guidon comprend que son monde s'écroule, mais c'est noyé dans la médiocrité d'ensemble. Pour résumer, en ne sachant pas par quel angle aborder son sujet, Jeff Nichols passe complètement à côté du potentiel de ce dernier et aboutit à un résultat aussi désincarné que décevant.

Plume231
3
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films de 2024 et Les meilleurs films avec Michael Shannon

Créée

le 20 juin 2024

Critique lue 742 fois

18 j'aime

Plume231

Écrit par

Critique lue 742 fois

18

D'autres avis sur The Bikeriders

The Bikeriders
Plume231
3

Road to Nowhere!

Le passage progressif et irrémédiable, lors de la fin des années 1960 et du début de la décennie suivante, d'un clan de motards, utilisant leur engin comme la manifestation d'une utopie libertaire, à...

le 20 juin 2024

18 j'aime

The Bikeriders
lessthantod
8

De la testostérone à gogo, de la bière, des cigarettes ... et un curieux triangle amoureux

Réalisé par Jeff Nichols, The Bikeriders s'inspire d'un livre d’entretiens et de photos du même nom, publié en 1967 par Danny Lyon. Jeff Nichols est l'un des réalisateurs américains les plus...

le 23 juin 2024

10 j'aime

7

The Bikeriders
the_stone
6

Critique de The Bikeriders par the_stone

The Bikeriders s’inspire du livre éponyme de photographies culte de Danny LYON (interprété par Mike FAIST – West Side Story) sur un gang de motards dans les années 60.L’histoire de ces bikers est...

le 18 juin 2024

10 j'aime

2

Du même critique

Babylon
Plume231
8

Chantons sous la pisse !

L'histoire du septième art est ponctuée de faits étranges, à l'instar de la production de ce film. Comment un studio, des producteurs ont pu se dire qu'aujourd'hui une telle œuvre ambitieuse avait la...

le 18 janv. 2023

292 j'aime

20

Oppenheimer
Plume231
3

Un melon de la taille d'un champignon !

Christopher Nolan est un putain d'excellent technicien (sachant admirablement s'entourer à ce niveau-là !). Il arrive à faire des images à tomber à la renverse, aussi bien par leur réalisme que par...

le 19 juil. 2023

213 j'aime

29

The Batman
Plume231
4

Détective Batman !

[AVERTISSEMENT : cette critique a été rédigée par un vieux con difficile de 35 piges qui n'a pas dû visionner un film de super-héros depuis le Paléolithique.]Le meilleur moyen de faire du neuf, c'est...

le 18 juil. 2022

137 j'aime

31