The Brutalist
7.1
The Brutalist

Film de Brady Corbet (2024)

Adrien Brody ? A24 ? N'en dites pas plus ! C'est donc sans aucune autre information ni bribe de bande-annonce que je me suis lancé dans The Brutalist, sans savoir à quelle sauce j'allais être longuement digéré durant ses gargantuesques 3h35. J'en reviens sans regret, touché, ébloui, mais pas pour autant transporté au point d'en chanter les louanges ou m'imaginer le revoir.


Tout d'abord, si vous vous attendez à un film sur la brutalité, explorant les jeunes années de Kratos avant son ascension au Panthéon, passez votre chemin. Si, comme moi, vous espériez en apprendre un peu plus sur l'architecture et découvrir ce que le brutalisme a de si brutal, ce n'est pas du tout le propos du film. Son protagoniste, László Tóth, a beau être architecte, le script n'a aucune envie de vous parler d'architecture, et on est dans du drame humain pur jus.


The Brutalist est l'une de ces grandes fresques historiques qui capturent une époque - et surtout l'évolution de ses personnages - en étalant son histoire sur plusieurs décennies. Ici, il est question d'après-guerre, et plus spécifiquement du chemin de croix des ex-détenus de camps de concentration lorsque le rêve américain se révèle moins idyllique que prévu. On y parle de traumatisme, d'intégration, d'inégalités sociales et de mécénat.


o o o


Adrien Brody est phénoménal, et ça ne devrait plus me surprendre, mais bordel, je serais choqué si je vois une meilleure performance d'acteur cette année. Le reste de la distribution peine à sortir de son ombre colossale, mais ne démérite en aucun cas, avec Felicity Jones en épouse cassée sous tous rapports et Stacy Martin, aussi touchante que difficile à lire.


Ma vraie surprise était Guy Pierce que j'ai tendance à sous-estimer, mais qui donne tout ce qu'il a dans son rôle de millionnaire excentrique, manipulateur, hanté par ses insécurités et obsédé par le contrôle de ce qu'il ne peut pas posséder. C'est un personnage profondément ambivalent et qui ne cesse de révéler de nouvelles nuances de gris.

Van Buren et son fils oscillent sans arrêt entre l'humain et le monstrueux, et ne manquent pas une occasion de nous rappeler que derrière chaque once d'empathie, de générosité ou d'intelligence, se cache une épaisse couche de merde vicelarde, cupide et suffisante, et c'était pour moi la principale attraction du film.


L'autre attraction, c'est la réalisation magnifique, en 35mm Vista Vision, qui mérite à elle seule de regarder le film au cinéma, sur très grand écran, de préférence à quelques centimètres pour en laper chaque plan savamment composé, ses éclairages naturels léchés et vous imbiber de sa bande son anxiogène. J'en retiendrai plusieurs séquences visuellement marquantes, comme la carrière de marbre ou la scène de lit sous héroïne, mais c'est la réalisation dans son ensemble qui élève l'atmosphère désespérée du film, hanté par ses protagonistes brisés.


On peut lui reprocher de ne pas toujours être très subtile dans la manière dont il aborde ses thèmes, mais il le fait pour moi avec assez de finesse et de panache pour rendre ses 3h35 (avec entracte, s'il vous plait) étonnamment digestes, et je n'en aurais pas retiré une minute.

Ezhaac
7
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il y a 4 jours

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