The Brutalist d’une durée de trois heures ambitionne, pour faire saga, la longueur de films références, d’Autant en emporte le vent à Il était une fois en Amérique et Le Parrain, et fera penser par la présence d’un même acteur, Adrien Brody, à la suite et l’épilogue du Pianiste de Roman Polanski. Inspiré de Marcel Breuer (1902-1981), l’un des pères du Modernisme, il incarne ici un rescapé des camps d’extermination du peuple juif d’Europe, László Toth, architecte hongrois, formé à l’école du Bauhaus et adepte de constructions en béton brut, le brutalisme.
Séparé par les orages de la guerre de sa femme Erzsébet brisée par les privations et de sa nièce mutique car traumatisée (qui finiront par le rejoindre dans la seconde partie), il quitte seul les rudes hivers des pays de l’Est sous férule soviétique - Bradley Corbet le filme alors en gros plans sombres et saccadés - pour débarquer aux États-Unis en immigrant perdu et inconnu de tous.
Et c’est alors pour lui toute une vie à rebâtir, marquée par la misère d’un univers à la Zola, jusqu’au moment où il croise Harrison Lee Van Buren, magnat de l’immobilier et mécène, qui lui confie le projet pharaonique de construire sur une colline de Pennsylvanie un mausolée, bibliothèque et chapelle, à la mémoire de sa mère, que l’architecte va concevoir comme un gigantesque mémorial de béton. Très éloigné de l’Art nouveau, trop frivole pour ces temps de l’après-guerre.
Le film s’interprète immanquablement à l’image de son titre par la proximité de deux termes (paronymes), le brutalisme évoquant la brutalité des temps et la violence du monde que dénonce le réalisateur - le fils du magnat s’inspirant à l’évidence de Donald Trump. Mais malgré l’ampleur de la mise en scène et la qualité des interprètes - mais Adrien Brody en acteur trop monolithique, toujours au bord des larmes - le film peine à convaincre. Outre des invraisemblances filmiques ou psychologiques, le réalisateur aurait gagné à amputer son oeuvre, la longueur de la saga obligeant à des redites en va-et-vient de misérabilisme et abandons du projet architectural repris plus tard.
En bref à notre sens une œuvre qui aura manqué son but qui clivera les spectateurs, les uns sensibles à la libre expression des sentiments, on s’embrasse et on s’étreint sans retenue, au réalisme du film aux personnages bien campés dans l’un des moments clés de l’Histoire du siècle ; d’autres, pourtant tout en reconnaissant l’art de la mise en scène, se lasseront des longueurs, des paraphrases scenaristiques, et d’une psychologie à étoffer. A chacun de trancher.