Le kickstarter de Paul Schrader.
Voilà un film bien curieux ; financé via la plateforme de crowdfunding Kickstarter pour un budget de misère (on parle de 250 000 dollars), Paul Schrader est devenu, malgré son glorieux passif, un paria à Hollywood. Atteint par plusieurs bides successifs, il a fait ce film avec l'énergie du désespoir, en compagnie de Bret Easton Ellis (lui aussi pas vraiment e odeur de sainteté) et Lindsay Lohan, qui accumule prison, bides, alcools et drogues depuis très longtemps.
A cela va s'ajouter la présence de l'acteur porno James Deen en tant que rôle principal, et nous avons là des débuts très maigres.
Mais au bout du compte, la mayonnaise va réussir à prendre, par je ne sais quel miracle. L'histoire est celle d'un panier de crabes à Los Angeles ou, si on veut être plus cru, un ménage à quatre, car elles se connaissent toutes plus ou moins mais sont liées par le cinéma, et le rôle qu'un d'eux va décrocher.
On est dans du pur Easton Ellis, avec sa philosophie de bazar et un meurtre qui ne peut que renvoyer à American Psycho, et aussi dans du pur Paul Schrader, avec ce ping-pong verbal et comme souvent chez lui, des scènes de sexe filmées de manière triste.
Car oui, le film contient pas mal de scènes de fesses (mais uniquement frontal pour les messieurs et les seins pour les femmes), avec moultes pipes, des baisers bien baveux, et des galipettes, qu'on soit à voile ou à vapeur.
Mais elles ne sont pas excitantes en soi, elles sont juste tristes.
Le film est aussi l'occasion de voir le désastre physique qu'est devenu Lindsay Lohan en quelques années ; chirurgie esthétique, voix éraillée, visage fatigué, et volonté de cacher qu'elle a pris du poids en se baladant avec sa gaine. C'est vraiment triste de voir ce qu'est devenu cette femme de 26 ans (à l'époque du tournage), déjà finie avant de démarrer véritablement sa carrière.
La surprise vient plutôt de James Deen. Star du porno (apprécié comme le boy next door de la chose), son physique oscille entre James Dean et James Franco (que des James en deux lignes !), et il y a quelque chose de touchant de le voir tenter de pénétrer le cinéma plus traditionnel. Malgré un petit souci d'élocution, il a une présence indéniable, et est celui qui se débrouille le mieux dans le film, car on sent là une volonté d'y croire.
On retrouve aussi Gus Van Sant en psychologue.
La musique fait penser à du Drive, dans ce côté planant, et est sans nul doute une des meilleurs choses du film.
Mais, et c'est là que les limites du bout de ficelle se font sentir, c'est d'une laideur absolue, avec des blancs brulés à l'image, des erreurs de raccord flagrantes (notamment dans les couleurs), et une esthétique très téléfilm qui s'en dégage. Le budget du film n'a pas autorisé la moindre folie, mais les décors (c'est surtout un film d'intérieurs) semblent tous vides, quand ce n'est pas Schrader qui filme des cinémas vides. Il y a aussi un souci technique ; dès que le son devient trop fort (à savoir des hurlements), celui-ci se met à saturer ; il suffit de voir la scène où Deen s'emporte contre Lohan alors qu'elle passait un coup de film pour s'en convaincre.
Le film ressasse les thèmes chers à Easton Ellis (la jeunesse dépravée, l'arrivisme, la cupidité, un certain côté trash...), donc on peu être en territoire connu, mais ce que je retiens du film, c'est sa volonté de survivre malgré c budget fauché.
Schrader veut y croire, y met sa sincérité de réalisateur sur le tapis (ça ne l'empêche pas de nous montrer des très beaux plans de L.A., notamment les Canyons du titre), et montre aussi qu'être jeune acteur à Hollywood, c'est bouffer les autres, y compris les siens, avant de se faire dévorer.