Il y eut une époque, bénie, et avant que les sagouins de Netflix ne soient venus brouiller tous les repères, où il était facile de reconnaître un film "de série B". Et ensuite d'en tirer un certain plaisir, voire un plaisir certain, en admirant l'audace d'un scénario malgré un budget riquiqui, une mise en scène inspirée dans un contexte un peu ridicule, une scène inoubliable au sein d'un film moyen... Toute choses compliquées aujourd'hui alors que les budgets sont devenus conséquents - je suppose que Netflix joue sa rentabilité sur son offre globale, pas sur chacun de ses films - pour financer des effets spéciaux de qualité, les castings plus qu'honorables (ici des pointures comme Daniel Brühl et Zhang Ziyi, quand même !) et la mention "DTV" une nouvelle norme de diffusion.
"The Cloverfield Paradox", tout petit film de SF horrifique dans la veine de "Alien" ou "Life", vient s'inscrire artificiellement et très maladroitement dans une sorte de "saga Cloverfield" dont tout le monde se moque, alors que son scénario bancal aurait gagné à se concentrer sur son aimable sujet d'interférence entre des mondes parallèles. Julius Onah fait le job honorablement, tentant avec ses acteurs - concernés, ou au moins professionnels - de sauver l'histoire inepte qu'on lui demande de filmer ; il accumule quand même un nombre conséquent de scènes stéréotypées, prévisibles, au sein d'un canevas particulièrement lâche, perdant régulièrement l'attention d'un téléspectateur lassé par le grand n'importe quoi qu'on veut lui faire avaler... Qui remarquera néanmoins le charme étrange de Elizabeth Debicki et la crédibilité de Gugu Mbatah-Raw, qui sauvent à elles deux plusieurs scènes.
Mais ce qui restera peut-être de ce machin informe, ce ne sera pas sa conclusion spectaculairement grotesque et artificielle, mais l'incroyable scène du bras détaché de Chris O'Dowd, qui reste quant à lui zen et nous fait bien rire : il faut bien admettre que, là, pendant cinq bonnes minutes, on touche même à la noblesse de la série Z (ou bien du cinéma-bis)...
Une piste à creuser pour les patrons de Netflix : la "série N". Comme "nanar" bien sûr...
[Critique écrite en 2018]