The Company Men
6.3
The Company Men

Film de John Wells (2010)

Quand un producteur livre un premier long-métrage d'honnête facture

Autre que les acteurs et les scénaristes, se sont parfois les producteurs qui s’essayent à la réalisation. Et dans la majorité des cas, le résultat tombe bien souvent à plat étant donné que les bonhommes n’ont pas du tout le savoir-faire ni la vision (pour ne pas dire l’ambition) d’un cinéaste sur un film. Mais en ce qui concerne John Wells, c’est différent. En effet, ce dernier ne se lance pas derrière la caméra sur un coup de tête mais bien pour mettre sur pieds un projet qu’il préparait depuis près de 20 ans, bien avant d’officier aux postes de producteurs/scénaristes sur diverses séries connues telles qu’Urgences, New York 911 et la version américaine de Shameless. Et pour son premier long-métrage (il continuera plus tard avec Un été à Osage County), l’individu a su tirer son épingle du jeu tout en présentant quelques défauts au tableau.


Premièrement le casting, car il faut bien avouer que c’est les têtes d’affiche sont la principale curiosité de ce projet. Pour cause, un long-métrage réunissant Ben Affleck, Tommy Lee Jones, Chris Cooper, Rosemarie DeWitt, Kevin Costner et Maria Bello a de quoi attiser la curiosité du plus cynique des cinéphiles. D’autant plus que ce sont principalement d’excellents comédiens n’ayant plus rien à prouver ! Sauf Affleck qui, comme a son habitude, reste inexpressif au possible et maladroit dans son jeu, se présentant alors comme l’erreur de distribution. Et ce fait vient confirmer que John Wells loupe sa première mission en tant que réalisateur, à savoir diriger les acteurs, les laissant ainsi en roue libre. D’un côté cela donne de bonnes choses avec les poids lourds (Jones, Cooper et Costner), de l’autre ça tombe dans l’amateurisme alors qu’Affleck a pourtant de la bouteille question interprétation. N’est pas David Fincher qui veut, le cinéaste étant véritablement le seul à avoir dirigé le comédien à son avantage pour son futur Gone Girl (sorti 3 ans après The Company Men) !


Ensuite vient le scénario. Se basant sur la récession économique du début des années 90, John Wells a su ressortir de ses tiroirs son script au bon moment. Et pour cause, qu’elle autre occasion pour mettre en avant une histoire parlant d’entreprises se battant pour éviter la faillite, de licenciements à la pelle et de reconversions professionnelles que la crise actuelle ? Après, c’est certain que pour apporter la joie et la bonne humeur au public, ce n’est pas forcément le sujet adéquat pour divertir. D’autant plus que le scénario prend le risque de s’intéresser à des personnages à la situation plutôt aisée (baraques immenses, superbes voitures, lieux de fréquentation hors de prix…) auxquels il est difficile de s’attacher, il faut bien l’admettre. Mais cela permet de montrer, surtout via le rôle tenu par Kevin Costner, que l’argent et la réussite professionnelle ne font pas le bonheur. Que les « petits » travailleurs peuvent mieux s’en sortir que les plus « grands ». Qu’une crise économique touche tout le monde et pas seulement les plus défavorisés. Un sujet pour le moins intéressant et traité avec légèreté (ne tombant jamais dans le cynisme pur), même un peu trop, se concluant de manière hollywoodienne par un « tout est bien qui finit bien » pour la plupart des protagonistes.


Enfin vient le point d’orgue quand on officie en tant que cinéaste sur un film : la mise en scène. Et sur ce point, comme pour le reste, John Wells arrive à s’en sortir sans vraiment impressionner. Si l’on veut se montrer un chouïa pointilleux, The Company Men se présente comme un long-métrage un peu fade, ne proposant aucun style visuel qui soit propre à son réalisateur semblant, pour le coup, filmer ses situations et ses comédiens sans réelle conviction. Comme s’il avait pour but de procéder au montage d’une pièce de théâtre afin d’en vendre des DVD. Néanmoins, il reste fidèle au propos de son script en livrant un film au ton léger malgré ses thématiques via des jeux de lumière jamais pesants et une BO qui n’en fait pas des tonnes. Mais surtout, au lieu de passer par des scènes trop appuyées et larmoyantes, Wells arrive à s’exprimer par le visuel, offrant des plans pour le moins évocateurs (un cadre se promenant dans un bureau vidé de ses employés, par exemple) enjolivés par le talentueux Roger Deakins (directeur photo attitré des frères Coen ayant également travaillé sur Prisoners et Skyfall).


Que retenir donc de The Company Men ? Alors qu’il se présentait comme un drame pessimiste ou bien la lubie d’un producteur à vouloir passer derrière la caméra, le film se révèle être un premier long-métrage d’honnête facture. Certes, l’ensemble se montre un peu trop hollywoodien dans son traitement et John Wells, avec son passé de producteur/scénariste, n’a pas encore acquis toutes les ficelles du métier (diriger les comédiens, avoir une véritable mise en scène…) pour être un réalisateur de renom. Cependant, il parvient à s’en sortir en livrant un film qui se suit sans déplaisir, au casting (quasi) prestigieux et se permettant de donner une petite leçon de vie sans pour autant prétendre à quoi que ce soit.

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