Médiocre Alliance

Décidément, toutes les jeunes sorcières des années 90 connaissent une deuxième vie ces dernières années ! Après les retours de "Charmed" et "Sabrina" sur le petit écran, voilà que "The Craft", film ayant mine de rien marqué toute une génération d'adolescent(e)s grâce à son groupe d'élèves marginales devenues sorcières de compétition, déboule aujourd'hui dans les salles obscures. Avec son quatuor d'actrices charismatiques (Fairuza Balk, Robin Tunney, Neve Campbell et Rachel True), il faut dire que "The Craft" était un teen-movie fantastique loin d'être bête dans son utilisation métaphorique de la sorcellerie pour évoquer les ravages de la drogue chez les jeunes (l'euphorie éphémère des pouvoirs laissait vite la place à un méchant retour de flammes brisant l'amitié des quatre lycéennes). De plus, à travers les différentes conséquences des sorts mis en scène, le long-métrage survolait un bon lot de thématiques hélas encore très actuelles comme le racisme, le harcèlement, le suicide, le viol ou l'influence néfaste d'un milieu familial défavorisé... Bref, par les temps de manque d'inspiration qui courent, "The Craft" était le candidat parfait pour passer par la case rema... enfin suite-ne-se-disant-pas-remake histoire de ne pas trop prendre le public pour des béotiens de moldus.

Car, oui, on ne vous révélera pas pourquoi ou comment (tellement c'est aussi idiot que facile) mais "The Craft" 2020 est bien une suite du film de 1996 qui prend des sérieux airs de remake dans ses prémices. Tous les ingrédients de l'original sont en effet là avec cette nouvelle élève qui se prend d'amitié pour trois camarades sorcières mais, déjà, quelques détails ne trompent pas (la sureprésentation masculine dans le domicile familial notamment), le discours autour de ces jeunes filles dotées de pouvoirs va prendre une tonalité résolument féministe. Dans le fond, pourquoi pas, dévier de la métaphore du précédent film vers celui de l'émancipation féminine promet une offre différente, d'autant plus que le récit qui l'accompagne prend lui aussi une autre tournure passé la mise en place. "The Craft" a donc au moins le mérite de ne pas jouer la carte du copier-coller complet pour trouver sa propre voie...

Sauf que devant l'ampleur de la catastrophe qui s'annonce, on va très vite regretter qu'il ne se soit pas contenter de plagier son modèle.

Non seulement le propos féministe va être d'une bêtise manichéenne sans nom, étalé tout au long du film à la truelle pour le faire ressembler à un catalogue intitulé "À bas le patriarcat pour les nuls !", mais l'intrigue qui va s'articuler autour pour le soutenir va trouver le moyen de faire pire ! Englué dans sa caricature extrémiste, "The Craft" ne peut que régurgiter une vaine histoire d'opposition des sexes sur fond de pouvoirs magiques qui semble avoir été écrite sur un coin de nappe. Entre deux quêtes d'identité secondaires dont on se fiche royalement, le film ne se donne même pas la peine de rendre ses rebondissements principaux un tant soit peu crédibles et compte juste sur le fait d'alimenter le regard haineux vis-à-vis des stéréotypes bêtes et machistes qu'il déroule pour nous pointer du doigt l'adversaire. C'est bien simple, on était venu là pour voir un remake de "The Craft", on se retrouve en réalité devant un simili-"Black Christmas" (2019) dans une version encore plus teen et idiote !
Et, lorsque viendra le temps de l'affrontement final après un vague twist sous forme de "transformation" hilarante, préparez-vous à un dernier acte qui a visiblement pris pour modèle celui de "Dragon Ball - Évolution" pour vous offrir le spectacle le plus ridicule possible !

On passera sur l'omniprésence de morceaux pop (et même de la musique originale à côté de la plaque) qui vous donnent envie d'enfiler joyeusement des pics à glace jusqu'au fin fond de vos oreilles, sur "Twilight" comme référence culturelle ultime chez les jeunes de cet âge, sur un David Duchovny que l'on a envie d'emmener chez le vétérinaire pour le faire piquer afin de le tirer de ce mauvais pas (il y a Michelle Monaghan aussi, la pauvre) ou encore le suspense artificiel maintenu autour de l'épilogue le plus attendu de la galaxie... Et on ne vous conseillera qu'une seule chose : fuyez ce "The Craft" 2020 comme le Covid-19 !