Humans after fall
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Avant que les aspects plus négatifs de ma critique ne prennent davantage de place dans vos mémoires, il convient de souligner que The Creator est le genre de film que j’aimerais voir plus souvent au cinéma : de la science-fiction avec un budget « modeste », des visuels marquants et une histoire originale (comprendre : qui ne fait partie d’aucune franchise – ni n’ambitionne d’en lancer). Le long-métrage est parsemé de « moments de grâce » où l’action, la musique, la mise en scène se conjuguent parfaitement (mention spéciale à la scène d’assaut accompagnée par Radiohead). Les références à Akira et Ghost in the Shell (pour les plus évidentes) sont agréables et, pour le premier, espère-t-on suffisamment appuyées pour couper l’herbe sous le pied d’une quelconque adaptation hollywoodienne. Le casting est par ailleurs globalement bon (particulièrement Madeleine Yuna Voyles qui interprète merveilleusement le rôle d’Alphie), la photographie et le sound design très soignés, les effets spéciaux très réussis… non définitivement, The Creator a plus d’une qualité. Toutefois, il a également quelques défauts qui l’empêche d’être le grand film que j’attendais.
Le plus grand problème réside dans le worldbuilding. S’il est toujours compliqué d’introduire un univers neuf en 2h de temps, il est aussi possible de rendre celui-ci un minimum intelligible et cohérent. Ici, derrière l’apparente simplicité du contexte (le monde dans un futur proche, deux factions – les USA anti-IA et la Nouvelle-Asie pro-IA), en creusant, toutes les pièces du puzzle ne s’emboîte pas très bien. En effet, comment se fait-il que l’armée étasunienne opère en quasi impunité en Nouvelle-Asie, et pourquoi cette dernière n’envoie-t-elle que la police pour contrer… des militaires sur-armés (si elle est à ce point démunie, la guerre n'est-elle pas déjàa gagnée par les USA?) ? La Nouvelle-Asie est-elle un pays ou une alliance ? Comment se fait-il que, malgré des technologies bien actuelles capables d’abattre des avions en très haute altitude – voire des satellites –, il semble impossible, en 2065, d’abattre le fameux Nomad (lequel semble avoir don d’ubiquité) ? Quel est le statut de ces combattants qui protègent Nirmata?
À ces innombrables questions s’ajoutent diverses incohérences (attention, ça divulgache un poil) :
Pourquoi l’armée étasunienne détient des centaines de copies de Maya ? À quel moment Alphie récupère-t-elle une copie de la mémoire de Nirmata ? Cette copie fonctionne-t-elle si la personne est dans un coma profond depuis des années ? Comment Joshua n’a-t-il pas compris que Maya était devenue Nirmata alors que c’était sa femme et que sa mission était précisément de localiser Nirmata ? Et la liste est loin d’être exhaustive…
Enfin, dernier défaut majeur : le manichéisme. Opposer deux factions et deux visions du monde, c’est toujours prendre le risque d’avoir un récit binaire, bien que cet écueil soit évitable. Toutefois, le film trébuche lamentablement dessus et nous propose un dualisme des plus tristes : d’un côté les méchants USA monolithiques, de l’autre, les gentils Néo-asiatiques qui assurent la main sur le cœur que jamais au grand jamais il ne se vengeront une fois la guerre gagnée. D’un côté on assure que la destruction de Los Angeles est causée par une IA, de l’autre que c’est une erreur de codage et jamais ces versions ne sont opposées tant il est évident que les gentils pro-IA-de-l’amour ont raison (surtout à l’ère des fake-news et du complitisme…).
Qu’un antagonisme soit marqué, qu’un « méchant » soit identifiable comme tel, ce n’est pas le problème, mais le film est à ce point dénué de nuance qu’il n’invite pas à la réflexion, ce qui devrait être (et est probablement) son but, c'est fort regrettable. Qu’est-ce que l’humanité ? Une IA peut-être prétendre à un statut égal ? Tout ça, le film nous le dit déjà : seul l’humain est faillible et mauvais. Punt aan de lijn.
Au final, en touchant à des thématiques si sensibles (particulièrement à notre époque) le film ne nous invite pas à nous interroger… sinon sur son univers bancal et ses incohérences qui, elles, m’ont fait me gratter la tête tout du long. Constat regrettable pour une œuvre si atypique dans le paysage cinématographique actuel. J’encourage néanmoins tout le monde à se jeter dessus malgré ses défauts, car on n’y passe certainement pas un mauvais moment, mais – surtout – un succès au box-office donnera un signal très clair aux sociétés de productions : nous voulons davantage de films comme celui-ci (et moins de Marvel, siouplé).
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Créée
le 8 oct. 2023
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