The Crow, réalisé en début d'année 1993 par Alex Proyas, reste un film important malgré sa piètre qualité artistique. Tout d'abord parce que le second long-métrage de Proyas est la première adaptation cinématographique de la série de comics éponyme créée par James O'Barr, artiste à l'enfance déjà très compliqué et qui se verra meurtri par la disparition de sa jeune fiancée suite à un accident causé par un chauffard ivre. C'est donc sous forme thérapeutique que le dessinateur accouche d'une série vengeresse où son alter ego, Eric Draven, revient de l'au-delà pour punir ses assassins ainsi que ceux de sa fiancée. Essentiellement inspiré par sa propre rage et la musique qu'il écoute (Joy Division, Bauhaus, Siouxsie and the Banshees ou encore The Cure dans sa période la plus sombre), O'Barr utilise le graphisme propre au mouvement gothique musical qui sévit entre 1978 et 1985 et qui fut lui-même influencé par le cinéma expressionniste allemand des années 1920. Le même type de références qui inspira Tim Burton au début de sa carrière jusqu'aux triomphes commerciaux de Beetlejuice et d'Edward Aux Mains D'Argent. Une époque où le mouvement de contre-culture gothique devint un pur business et se métamorphosa en mouvement emo avec un public bien plus porté par une mode vestimentaire (le plus souvent initiée par le succès commercial du groupe The Cure) que par l'état d'esprit initial abordant des thèmes existentiels, sombres et bien souvent autodestructeurs. C'est donc le mouvement emo des années 1990 qui porta aux nues cette forme d'expression artistique qui féconda des franchises cinématographiques tels que Batman (modernisé par Burton), The Crow ou, un peu plus tard, Underworld avec Kate Beckinsale. Des expériences aux forts potentiels commerciaux mais qui se voient malheureusement trop stylisées et moyennement convaincantes.

The Crow reste également un film important pour être le dernier de Brandon Lee, accidentellement tué par balles durant le tournage. Outre le choc et la peine subits par l'équipe du film (en particulier par le comédien Michael Massee, responsable du tir), cet accident retarda considérablement la fin du tournage afin de favoriser l'enquête de la police. La reprise fut également amère car l'accident mortel engendra un coût supplémentaire de 15 millions $ et la Paramount ne trouva pas mieux d'utiliser la mort du comédien pour mieux promouvoir la future sortie du film et d'entrer ainsi dans ses frais.

Réalisateur de clips vidéo pour Fad Gadget, INXS ou encore Alphaville, Alex Proyas use et abuse d'un procédé artistique pour idéaliser son univers sombre et pluvieux principalement inspiré par l'atmosphère de The Element of Crime, réalisé dix ans plus tôt par Lars von Trier. Un univers qui préfigure également celui du comic Sin City, dont l'adaptation cinématographique hisse assurément le genre en haut du panier de par sa direction artistique. Avec The Crow, Proyas démontre les limites de son talent d'alors qu'il tentera néanmoins de transcender avec Dark City, son film suivant. Mais pour l'heure, c'est une série de clichés et de tics "clippés" qui le conduisent à mettre en scène cette histoire de vengeance empli d'immaturité et vulgarisé par un romantisme en toc pour adolescentes en quête de sensations fortes. C'est par ailleurs le personnage d'une adolescente qui magnifie le film, bien que son look reste fort heureusement très éloigné de la mode emo. Si la jeune actrice Rochelle Davis (dont c'est le premier rôle) n'est pas toujours très juste face aux émotions de son personnage, elle reste néanmoins le protagoniste le plus marquant de par son histoire, livrée à elle-même dans un monde ultra violent tout en conservant la pureté d'une enfant de son âge. Bien mieux développé dans le comic, le personnage de Sherri (métamorphosé en Sarah pour le film) est certainement le plus touchant en termes de profondeur psychologique. David Patrick Kelly reste quant à lui le méchant le plus efficace du métrage, comme souvent, à mille lieues du bien peu effrayant Michael Wincott, affuté d'une ridicule perruque.

Au rythme de chansons de The Cure, Nine Inch Nails (pour une reprise de Joy Division), Rage Against the Machine ou encore The Jesus and Mary Chain, The Crow est sûrement à ce jour le meilleur épisode de la franchise, bien que LE film qui pourrait mettre remarquablement en valeur l'univers de James O'Barr reste toujours à mettre en scène.


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le 15 nov. 2024

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