The Crow
4.3
The Crow

Film de Rupert Sanders (2024)

Je me suis dit que je lancerai mon profil SensCritique avec ce film ; parce que celui d'Alex Proyas m'a marqué dans mon enfance, que l'histoire me parle, et que j'attendais beaucoup de ce remake.

Après un premier avis évidemment désastreux au vu des trailers et visuels, j'étais prêt à accepter le Eric et la Shelly de 2024 ; j'étais prêt à accepter qu'ils ne ressemblent ni au couple des comics, ni à celui du film de 1994 ; j'étais prêt à accepter que, d'amoureux transis séparés par une cruelle malchance, ils soient devenus des marginaux de la société à qui on a volé leur seule chance de filer le parfait amour.

Parce qu'il y avait quelque chose à faire, mine de rien et que j'essayais de ne pas être le fan psycho-rigide qui n'accepte pas de liberté d'interprétation.

The Crow, c'est simple : une œuvre cathartique où un amour puissant s'arrête brutalement et injustement, laissant place à une vengeance impitoyable et surnaturelle. Si seul l'enrobage changeait, j'étais prêt à l'accepter.

Mais le film ne propose rien de cela.

Il surcomplexifie le scénario avec une intrigue tirée par les cheveux où l'on retrouve des codes classique de blockbusters, et où les idées originelles sont mélangées à de nouvelles pour n'aboutir finalement nulle part, en tout cas à rien de nouveau par rapport à ce qu'a amené le film de trois décennies son aîné.

L'insupportable injustice qui s'abat originellement sur Eric et Shelly se transforme là en quelque chose de brouillon où rien n'est plus si clair, et fait que le choix du corbeau de ramener Eric à la vie ne semble plus si évident. Côté deuxième chance : pourquoi ce couple et pas un autre ?

L'amourette des protagonistes ne fonctionne pas, elle est bien moins belle que ce que l'on pouvait voir seulement par flashbacks sur papier ou écran cathodique, et si la rage de cet Eric avait transpiré, ce n'était alors qu'une goutte sur le coin du front, je n'ai rien senti.

S'il avait été cohérent, le film avait deux possibilités : ne pas s'appeler The Crow, ou alors changer le nom des protagonistes pour nous présenter une autre histoire. Je refuse que ce soient Eric Draven et Shelly Webster qui aient été présentés à l'écran ; ceux-ci sont plus jeunes, ils présentent une relation qui n'est pas l'amour pur que l'on serait en droit d'attendre, et leurs apparences et personnalités sont trop éloignées de celles du couple originel. Les dialogues sont plats et jamais le temps n'est donné de nous immerger dans le déroulé des faits, notamment la formation du couple principal, car le montage est frénétique et la mise en scène commune. Quant aux nouvelles idées apportées par le film, non seulement elles sont mal exploitées, mais en plus elles travestissent l'essence-même de l'histoire telle qu'envisagée par l'auteur, puisque l'idée initiale de vengeance par amour se retrouve diluée avec une autre "mission" confiée à Eric, qui n'a rien à faire là et fait de ce film une sorte d'œuvre bâtarde entre film romantique, thriller et film de super-héros.

Je suis sorti déçu de la salle, mais j'aurais au moins tenté.

Puis à partir de là, je vais divulgâcher :

On commence avec la référence évidente à la BD avec le cheval blanc pris dans les barbelés ; j'ai bien aimé, je me suis dit "pourquoi pas, ça me va", sauf que les 2 minutes d'intro seront tout ce qu'on aura de la vie d'E. Un générique (sympa au demeurant) et un plan plus tard, le voilà en centre de désintox' et maltraité par ses corésidents.

Puis S. nous est présentée : des méchants à ses trousses pour une mystérieuse histoire de vidéo compromettant un magnat de... la magnerie, elle se fait pincer en possession de drogue de la façon la plus banale qui soit et, en deux secondes, rejoint son futur amant au centre. Et là, c'est le début des festivités au pire nanardesques sinon clichés, en tout cas bancales.

Les rapprochements hommes-femmes y sont interdits mais ils parviennent à se voir sans aucun souci ? Bon...

E. écrit des poèmes, OK... mais cette poésie ne ressurgira quasi plus de tout le film : encore une idée non exploitée. (Dézinguer des méchants en récitant quelques-unes de ses compositions dans un élan de colère et de désespoir, ça aurait été trop demander ? Comme... dans la BD, par exemple.) Finalement, les vilains méchants l'ont retrouvée, et comme dans tout bon blockbuster, s'exfiltrer de n'importe où est évidemment un jeu d'enfant, et pif-paf-pouf, en une minute et un pull sacrifié, ils sont dehors et vivent leur parfait amour.

Vingt minutes plus tard après que le film ait tenté de me faire aimer de force ce couple, S. et E. tombent cette fois dans un guet-apens et sont mis à mort.

Mais comment se sentir autant concerné face à l'injustice que constitue le traumatisme central de The Crow quand le couple est aussi commun, mais surtout quand dès le départ, ils sont déjà en danger ? S. cache à son amant le fait qu'elle est traquée pour une vidéo en sa possession, et lorsque vient le moment fatidique, et bien les méchants ont quand même une "raison" de faire ce qu'ils ont fait. Si on voulait résumer grossièrement, on pourrait dire qu'ils sont morts ici à cause d'une bourde de S., alors qu'originellement, le sort s'est juste acharné sur deux parfaits innocents qui s'étaient trouvés. Alors la mise à mort reste impactante et elle est bien réalisée, mais elle est fade à côté de celle du film ou de la BD.

Et non content d'atténuer la force de l'élément perturbateur principal, le film détruit, une fois E. passé dans le monde des morts, ce qui faisait l'intérêt de la quête purement vengeresse d'Eric en proposant au héros un deal : il peut récupérer S. s'il parvient à descendre le grand méchant, qui a passé un pacte avec le Diable lui offrant la vie éternelle en échange d'âmes innocentes, ce qui a "perturbé l'équilibre"...

C'est à ce moment là où je me suis dit que l'on nous a vraiment pris pour des cons. Toutes ces années de prod pour ça ?! On n'aurait pas pu envoyer Spawn ou Ghost Rider faire le sale boulot ?

L'ersatz de Charon qui sert de mentor continue et explique que l'amour d'E. doit rester pur sinon il perd son immortalité et l'âme de S. ira à jamais en enfer. (pardon ?)

Ce qui fait qu'E. meurt deux fois durant le film, puisqu'à un moment, il a fini par douter d'elle avant de se prendre un coup de fusil à pompe dans le torse.

Alors notre héros aurait pu s'éviter de douter et donc de ruiner sa seule chance s'il avait pris le temps de comprendre ce qu'un ami de S. (qu'il était parti chercher !) lui avait dit, mais 1) l'ami Dom en question avait le flingue invisible du script sur la tempe et ne pouvait être trop clair, et 2) E. avait les bonnes connexions neuronales rendues inopérantes par ce même script qui souhaitait qu'il ne pose pas trop de questions pour pouvoir nous amener à cette histoire de deal super-héroïque.

E. marchande donc son âme en échange de celle de son aimée, et après un rituel super-héroïque, le voici revenu avec le pouvoir de Shaz... avec du sang noir et une immortalité permanente.

Le reste n'est que rares scènes de violence quelque peu intéressantes, quelques bonnes idées et jeux d'acteur (la scène de l'opéra où E. voit S. par hallucination et où on lit dans son regard la joie de la revoir puis la déception face au fait qu'il ne pourra plus être vivant à ses côtés), un "affrontement final" déstabilisant et une fin quand même un petit peu courageuse et vaguement touchante, où E. est condamné à connaître l'enfer en attendant que S., ressuscitée, ne vienne le rejoindre après sa mort.

Si ça avait été Eric et Shelly, j'aurais pu croire qu'elle aurait passé sa vie à attendre de le retrouver, mais pas les concernant, malheureusement.

LightPhazer
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le 22 août 2024

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