Avant de voir cette "suite" à "The Crow" (drôle de remake déguisé sous la forme d'un sequel), j'avais peur. Vraiment, j'étais plein d'appréhension. Comment égaler l'oeuvre de Proyas? Quand l'on tient un film si touchant, si beau esthétiquement, torturé jusque dans son historique de production, comment faire une suite à ce film là? Voilà un détail qui n'arrêta pas les producteurs, déterminés à épouser jusqu'au dernier sou ce petit film étonnamment lucratif au box-office.
The Crow : La Cité des anges (magnifique titre, cela dit), déçoit encore plus que ce qu'on pouvait en attendre. En fait, ce qui gêne le plus n'est pas l'interprète de The Crow (un Vincent Perez en plein surjeu seulement rattrapé par sa gueule crédible), c'est sa mise en scène complètement ratée et gâchée par un esthétisme franchement douteux. Alors que l'univers de base se reposait principalement sur sa photographie si belle qu'elle se rapprochait d'une version torturée des films de Burton, celui de cette suite/reboot préfère partir dans la simplicité, le talent visionnaire de l'équipe technique de l'original ayant sûrement préféré déserté dès que le mot suite atteignit leurs oreilles.
A la place des jeux de lumières, surement bien trop complexes pour le piètre talent du directeur de photographie, la mise en scène se résume à la simplicité répugnante de ses filtres d'image scindés en trois tons : majoritairement jaunes avec quelques écarts récurrent vers le vert, quand il n'y a pas de timbre entièrement rouge en fond. Détail d'autant plus regrettable qu'on y découvre un univers construit de manière crédible et cohérente, apportant une dimension perverse viscérale à l'univers d'origine (sacré Thomas Jane), en plus de plans posés très fournis (quand ils ne sont pas gâchés par les cadrages serrés beaucoup trop présents). Une simplicité visuelle qui n'est pas sans rappeler les Batman de Schumacher, qui dans leur hommage aux couleurs criardes de la série de 66 basaient au moins leur photographie sur un univers divisé en autant de tons simplistes, mais réussis du fait de la justesse de l'imagerie par rapport au propos de son réalisateur.
Sans les quelques belles images trouvables ici ou là (le héros qui porte son fils, qui plante une croix dans le sol, la scène de la fête des morts, tout autant saturée en jaune qu'elle soit...), on se rabat avec peine sur la direction des acteurs gérée avec les pieds, en plus d'avoir le talent de ne rien mettre en valeur. Outre le regard de Vincent Perez, elle montre tout de manière si clichée qu'on ne croit jamais vraiment à cet univers purement glauque et sale, beaucoup trop bourrin, sérieux et caricatural pour qu'on le prenne un tant soit peu au sérieux.
L'écriture de David S. Goyer (figure reconnue des adaptations de comics au cinéma, pour le meilleur et le pire) se veut trop prétentieuse et pas assez consciente de ses défauts pour être un minimum crédible. On ne croit jamais à cette histoire pleine de pathos et de passages larmoyants, qui t'étale son monde dystopique avec tant de fierté qu'on en viendrait presque à le trouver comique (disons que la prestation d'Iggy Pop n'aide pas à garder son sérieux).
Alors ajoutez au tout le constant filtre d'image jaune qui vient tout le temps ruiner l'esthétique dark et gothique du personnage, et vous saisirez, un minimum, l'étendue des dégâts. En fait, ce film est complètement gâché par cette mise en scène qu'on aborde depuis tout à l'heure, parce que le héros pouvait promettre un minimum. Alors certes, quand on le compare à Brandon Lee, Vincent Perez fait pale figure, pour ne pas dire qu'il pourra paraître insignifiant, mais en tant qu'acteur français, j'ai trouvé qu'il se débrouillait plutôt bien dans ce genre de rôle vraiment torturé et dark.
Bon, il surjoue beaucoup, mais ça fait plaisir de voir qu'il s'investit dans le rôle, et qu'il y croit. Il joue vraiment son personnage, il le vit, le ressent, et pour cela, je ne peux qu'applaudir sa prestation qui, même si elle comporte quelques fausses notes, s'avère vraiment satisfaisante. Et avec ce maquillage complètement raté, fallait quand même arriver à y croire, sérieux ! Un maquillage blanc et noir qui est, pour en revenir à la mise en scène, complètement ruiné par ce filtre jaune insupportable, ne nous permettant ni de profiter de son look dévastateur, ni de l'aspect poétique des actes vengeurs de The Crow.
J'ai également bien aimé le côté démoniaque de Perez qui, bien que tombant parfois dans le caricatural, s'avère l'élément le plus intéressant du film. Entre de meilleures mains, il aurait pu nous offrir quelque chose de vraiment très bon. Ne parlons pas du reste du casting, suffisamment évoqué jusque là.
Pour l'écriture, c'est du convenu et du banal, du tantôt médiocre et du tantôt mauvais. Les dialogues sont souvent idiots et forcés, à la manière de la première scène de vengeance, et les antagonistes ne sont guère attachants. Pour vous dire, on fait carrément l'impasse sur la mort du héros et de son fils pour vous la montrer une demi heure avant la toute fin, pour se concentrer sur une vengeance dont on n'aura rien à faire, puisque sans enjeux concrets. Les répliques sonnent ainsi complètement fausses, et l'écriture globale est catastrophique. Malgré quelques bonnes idées, le scénario est raté.
Et bien sûr, comme dans tout mauvais film qui se respecte, beaucoup de scènes de sexe sont ajoutées, des scènes qui ne rendent pas le film étrange, non, elles le rendent gratuit, inutile, inintéressant et puérile, rendant plus le film idiot que pervers. Pour achever de "planter le clou" dans la mise scène, celle ci s'avère complètement tape à l'oeil, et se voit remplie d'effets répugnants, de ralentis et d’accélérés n'ayant rien à envier à un "Behind Enemy lines 2"; même la vision du corbeau est ratée, puisque changée, le budget en moins. "The Crow 2", ou comment faire d'un chef-d'oeuvre du gothique une daube. Ridicule à souhait, puérile et raté, seule la prestation de Vincent Perez méritera le détour (et encore).
http://avion.blogs.allocine.fr/2015/05/les-super-heros-independants-6-la-daube-du-jour-la-course-aux-dtv-66-the-crow-la-cite-des-anges-1996-un-sequel-tout-droit-sorti-des