L'Ange Noir
Reprenant là où Begins s'arrêtait, The Dark Knight nous replonge dans un Gotham avide, rongé de l'intérieur, toujours en proie à la criminalité et la corruption malgré les événements passés, mais...
le 1 nov. 2014
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Dire qu’aujourd’hui Batman - The Dark Knight n’est pas un film comme les autres, n’est pas un film de super-héros comme les autres, peu sembler banal. Il est étonnant d’ailleurs qu’un film de super-héros soit autant rentrer dans le mythe du cinéma. Il est de ces films qui ne se classent pas, ces films qui dépassent le cadre dans lequel ils étaient censés se trouver. Un film de super-héros c’était bien trop peu pour Nolan et Batman. L’un ambitionnait de faire une oeuvre totale. Pendant que Batman est bien plus qu’un super-héros, c’est un homme et un justicier.
Si Le Chevalier Noir est un opus aussi fantastique c’est aussi parce que son prédécesseur avait bien fait les choses. Oui, Batman Begins rend d’autant plus grand ce volet qu’il pose les bases et construit ce Batman. Ce Batman d’une intense profondeur, d’une noirceur encore jamais vue, d’une brutalité certaine et d’une loyauté sans faille, comme son père, comme Alfred, pas comme ces malfrats, pas comme son ex-mentor. Ce qui différencie Batman des autres, ce n’est pas ses méthodes, c’est sa loyauté, ce n’est pas ses préceptes, c’est sa croyance en l’homme, son humanisme intérieur qui lui fait dire que Gotham, un jour, sera meilleure, avec ou sans lui : « Parce qu’il est le héros que Gotham mérite ». Jamais un héros n’aura été aussi tourmenté par son passé et son présent. Batman aime Gotham mais Gotham ne l’aime…que quand celui-ci leur est utile. Une belle métaphore d’une société actuelle qui oublie rapidement vos actes, bons ou mauvais.
Difficile de retenir son envie de parler de ce film quand on le revoie, une énième fois. Dés que l’écran affiche ses premières lueurs d’images, tout est fini. Batman est déjà là. Nolan a déjà capté son monde. Pourtant, son héros n’est pas là. C’est le méchant le plus emblématique de l’univers de Batman qui fait son entrée : Le Joker. Mais parce que rédiger un billet sur The Dark Knight est déjà peu original, je ne me risquerai pas à qualifier la performance de Heath Ledger. On l’a connait tous. Un grand Batman n’est rien sans un grand méchant, parait-il, mais cet adage est faux. Un grand Batman n’est possible qu’avec Le Joker.
Quand on ne voit pas Le Chevalier Noir pendant un certain temps on aurait presque tendance à le banaliser. A ne plus se souvenir du niveau atteint.
Je n’ai pourtant rarement pu admirer une histoire aussi finement construite. Rarement un film n’aura été aussi puissant, aussi violent, aussi noir, aussi machiavélique, dramatique, critique, fantasmagorique, énergique, aussi incomparable. Voilà, incomparable. Aujourd’hui, ce Batman est l’apogée d’un style à lui seul. Un style unique de construction de héros, de construction d’un mal nécessaire et d’un bien dispensable. D’un héros qu’on aime autant qu’on le déteste, d’un mal détestable mais jouissif par sa quête de non sens. C’est là où The Dark Knight détruit Begins. Dans ce dernier le mal a un but : la destruction de Gotham. Dans The Dark Knight, rien n’a de sens, Le Joker ne veut pas détruire Gotham, c’est Gotham elle-même qui va se détruire par l’intermédiaire de la chute de sa dernière colombe : Harvey Dent campé par l’excellent Aaron Eckhart : « Soit on meurt en héros, soit on vit assez longtemps pour se voir endosser le rôle du méchant ». Le voilà l’acte le plus héroïque du Batman, c’est ce qui fait de lui le plus grand des héros : il accepte d’être le mal nécessaire, l’ennemi public numéro 1. Celui qui donne une raison à Gotham de se battre encore pour sa survie.
La construction est viscéralement puissante, tout le film n’est que tension, n’est qu’incise, n’est que violence. La confrontation Joker / Batman est d’une telle puissance ! Mais elle arrive à son paroxysme quand Gordon sort alors de la salle, la lumière s’allume et Batman torpille le Joker sur la table d’interrogatoire. C’est d’une violence extrême mais quelle scène ! Quelle confrontation ! Cette scène est d’une maestria !
Batman a trouvé son exact miroir. Le Joker est tout ce qu’il déteste. Il est le mal le plus maléfique, celui qui tue, qui détruit, sans une once de rationalité.
C’est d’ailleurs après cette scène que The Dark Knight sombre dans un chaos total, le dilemme sadique du Joker lance une deuxième partie de film fabuleuse d’action, de mise en scène, de répliques désormais culte. Plus question d’amour maintenant, seule la violence existe. Tout n’est que violence. Tout ne devient plus que destruction et de lutte d’homme à homme.
Nolan maitrise le temps. Il le maitrise le temps d’un camion se retournant pendant que tout se tait. Seul le son du camion vous arrive à l’oreille. Encore une fois, l’idée est brillante, l’image l’est tout autant. Le seul moment de silence d’une fin en forme de paroxysme sadique et totalement dénuée de sens : tuer pour tuer, seul un de nous restera, la justice ou la folie.
« Introduire une goutte d’anarchie, déranger l’ordre établit et tout devient brutalement chaotique"
Christian Bale & Heath Ledger livre un duel pharaonique. Campant deux héros profondément détruit par leur histoire, aussi humain que tout autre, mais que la vie a destinée pour devenir des autres : l’un est devenu le héros noir d’une ville, l’autre son chaos. C’est bien plus qu’une lutte de bien et de mal. C’est une lutte entre celui qui croit en l’homme et le fou. Une lutte d’une ville qui ne croit en plus rien, une ville détestable, sans foi, ni loi, tout comme le sont ces malfrats. Mais Batman n’est pas bien au-dessus.
« J'ai pris le chevalier blanc de Gotham et je l'ai vite rabaissé à notre niveau ». Au-delà de ce duel c’est donc une triade de confrontation qui se crée : Harvey Double-face passe de chevalier blanc à noir.
Nolan met en scène ce Batman avec une maestria rare, sa caméra est sans cesse en mouvement, un temps elle met en valeur le furtif pour ensuite épouser les mouvements de l’un ou l’autre des protagonistes. Sans jamais se languir de la constellation de star qu’il dirige, Nolan promet et propose un véritable spectacle macabre mettant en scène la lente déconstruction du Batman. Un véritable chemin machiavélique construit avec une précision limite maniaque. Dotée d’une insatiable ambition visuelle, ce The Dark Knight a une identité visuelle parfaitement unique, une BO vraiment sublime (pourtant très simple en terme de sonorité). L’écriture qui parcours ce Batman est d’une efficacité torpillant toute notion de temps mort, toute notion d’ennuie tellement elle vise à atteindre la tension maximale. Une tension maximale qui s’atteint progressivement lorsque tous les protagonistes se retrouvent au paroxysme du chaos : Dent, Gordon, Alfred, Wayne, Fox et le Joker ont tous leur rôle dans un final titanesque.
Ce Batman n’est pas qu’un héros, ce n’est pas un exemple, ce n’est pas un mentor (pas encore), ce n’est pas le héros moral. Il est immoral, il est violent, dur, noir, sans pitié, il brise les lois autant qu’il les défend, il est à la fois le bien et le mal nécessaire à Gotham : « Parce qu’il est le héros que Gotham mérite. Pas celui dont on a besoin aujourd’hui... Alors nous le pourchasserons. Parce qu’il peut l’endurer. Parce que ce n’est pas un héros. C’est un Gardien silencieux... qui veille et protège sans cesse. C’est le Chevalier Noir. ».
On pourrait finir avec la narration final de Jim Gordon mais je préfère finir par ce que je me dis quand je sais que j’ai vu un immense film « Putain (quel film) ! » . Vous pouvez considérer ça comme de la violence nécessaire.
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le 13 sept. 2023
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