The Deep Blue Sea, hélas, n'apporte rien, sinon (ironiquement) une vague contemplation de la mer ennuyeuse et vide de la langueur.
Les enjeux sont trop maigres, trop survolés, traités trop timidement, dans un entre-deux bizarre entre humilité et recherche esthétique. Une incertitude chronologique "rythme" le film, mais le laisse traîner, le fait même reculer de deux pas quand il n'en avance que d'un la séquence d'après. Il est l'exemple-type du film "regardant" les acteurs, mais qu'ils ne peuvent pas sauver. Ce n'est pas bien compliqué : trop long, traînant, larmoyant, régressif, il allégoriserait presque la nostalgie, sentiment rarement constructif, qui ronge et épuise, du regret à l'apathie, et vice-versa.
Barber y est asséné, presque littéralement, sur l'image tout du moins, au lieu de s'imposer en violente proposition musicale, presque provocatrice des codes du drame à l'eau de rose : il devient pesant, irritant, d'entrée plaqué à l'introduction et de retour au générique... il nous casse les oreilles. Hiddleston s'exalte de passion, d'humour et surtout de rage, en acteur shakespearien qu'il est, mais il est le seul, et fait parfois tache, trop coloré pour tout ce formol et cette odeur de gaz, quand il n'y tombe pas lui-même,
mais très belle scène de départ, en retenue, maîtrise et justesse, petit miracle de densité après le fleuve sans fin traversé laborieusement.
Rachel Weisz est belle, avec son visage angulaire et ses cheveux noirs perdus entre le désordre et le bruching frais, a de beaux instants de jeu, mais elle est incapable de soutenir le violon ruisselant et les flous artistiques... Simon Russell Beale est aussi décontenancé que son personnage, tient bon la barre, mais trop faible pour que le triangle amoureux tienne dans tout son potentiel. C'est un mari faible, quotidien, aussi incapable que le spectateur de se dépêtrer de cette affaire, et on ne peut lui en tenir rigueur. Des mais, toujours des mais, car ils jouent bien, ces trois-là, - je ne me souviens de personne d'autre.
Dans les mains d'un Malick ou d'un Gray par exemple, peut-être y aurait-il eu de la force dans cette mer endolorie ; on sent que le réalisateur ne veut passer la barre de l'ambition visuelle et sonore, qu'il reste enfermé dans les petits locaux londoniens des années 50 et les rues étroites, que les évocations restent à de tristes chœurs a capela dans les pubs ou les sous-sols incolores du métro. Tout se conclut mollement, sans revirement. Le plus grave défaut du film est peut-être son naturalisme : nul n'a besoin de la réplique vaguement esthétisée d'amours infiniment douloureux et langoureux. Le quotidien, l'attente, le monde réel en apportent bien suffisamment leur lot.