Clooney ne peut pas sauver ses Descendants

Au football, un seul joueur peut parfois sauver le match. Mais le cinéma est, comme le rugby, un sport éminemment collectif, et même un excellent acteur comme George Clooney ne peut pas sauver The Descendants de sa terrible médiocrité.

Le film d'Alexander Payne est en effet le paradigme de ce qu'est devenu le cinéma indépendant. Il n'a plus rien d'indépendant (budget : 20M$), il dépend d'une grosse star (Clooney), il est accompagné d'une petite musique folk en permanence, et il prétend s'attaquer à de grands thèmes (la vie, la mort...) tout en restant très dilettante.

Payne part ici sur deux belles idées : le pitch, d'abord : une femme dans le coma, et un mari obligé de s'occuper de ses filles alors qu'il va découvrir que sa femme le trompait. Et une situation, ensuite : Hawaï, l'envers du décor. Cette deuxième partie est assez bien faite, bien que Payne lâche l'affaire en route ; mais il arrive plutôt bien à rendre cette vie indolente des îles, où tout le monde connaît tout le monde, (ou est le cousin de tout le monde) et où l'on vit en tongs et en bermuda à fleurs, que l'on soit riche ou pauvre.

La première partie, par contre, est une catastrophe, d'abord à cause du misérable talent de Payne (Sideways m'avait énervé, j'aurais dû me méfier). Ne sachant pas filmer un mélo, le réalisateur indépendant-mais-pas-trop ajoute une petite guitare folk à chaque fois qu'il veut qu'on soit triste, et une guitare hawaïenne dès qu'il prépare un gag. Or selon la célèbre Fatwa de Carrié, « Un Film Ne Devrait Pas Avoir Besoin De Musique !!! »*, donc The Descendants n'est pas un film, CQFD.

Mais surtout, et ce n'est pas trop la faute d'Alexander Payne, mais son film est américain, de la manière la plus consternante qui soit, c'est-à-dire du côté des family values. Les parents (et surtout le père, George Clooney) n'ont aucune autorité sur leurs enfants. Ils ne la regagneront qu'en devenant « a better person ». L'adultère y est décrit comme le pire crime possible, mettant les personnages dans des postures incroyables pour des européens, a fortiori des français. Certes, Madame Clooney a menti, et son amant** – comble du comble – a couché avec elle alors qu'il ne l'aimait pas ! Mais bon, les amis, il y a quand même la guerre en Afghanistan, la crise de l'Euro, et peut-être la relégation de Monaco en National...

On se moque, bien sûr. L'amour trahi, la jalousie, la rédemption, tout ça aurait pu faire un joli film, surtout avec Clooney prouvant qu'il est capable de tout jouer, même en tongs.

Mais pour cela, il aurait fallu un réalisateur.

* Spielberg le dit plus gentiment « Si en coupant le son, on comprend toujours le film, c'est qu'il est réussi »
** L'amant est évidemment agent immobilier, la pire profession possible après avocat (ce qu'est Clooney)


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ludovico
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le 15 mars 2012

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