J'avoue que je ne connaissais pas du tout le fameux « The Room », ce qui ne m'empêchait pas d'attendre avec beaucoup de curiosité ce projet improbable, rappelant évidemment le « Ed Wood » de Tim Burton. On n'est peut-être pas à ce niveau : on voit en définitive ce qu'on s'attend à voir, et James Franco ne se révèle pas un grand réalisateur, lui dont c'était le premier film sortant sur grand écran. Mais pour le coup, j'ai presque envie d'écrire que c'est un atout : l'acteur-réalisateur fait le choix de s'effacer derrière son sujet, suffisamment étonnant et drôle pour qu'on s'y plonge avec plaisir.
Certains ont trouvé la première partie trop longue : je ne suis pas d'accord. Elle permet de contextualiser le récit, de présenter les personnages, leurs ambitions, leurs rêves afin de nous montrer comment cette idée folle a pu finalement voir le jour : cela manque peut-être un peu de saveur, mais l'étrange relation unissant Tommy Wiseau et Greg Sestero, comme certaines apparitions assez drôles (Melanie Griffith, Sharon Stone) compensent sans trop de mal.
Et puis intervient le fameux tournage, évidemment le moment le plus fou et le plus improbable de l'œuvre, véritable plongée « documentaire » dans les coulisses de ce film « culte malgré lui », où la personnalité complètement insaisissable, délirante de Wiseau explose au grand jour (même si on avait déjà compris que le mec n'était pas tout à fait normal!). Pas loin d'être épique, offrant plusieurs situations délirantes, elle présente un regard critique et attendrie sur l'homme, tellement persuadé de son fait et de son talent malgré des décisions plus aberrantes les unes que les autres, qu'il en devient presque touchant, le tout sur un plateau où, malgré les (grosses) tensions, le projet arrive à terme sans (trop) de fracas.
La projection finale est à ce titre éloquente : sorte de triomphe par l'absurde (histoire que cela se termine bien, aussi!!), elle permet de conserver une (légère) ambiguïté sur le « talent » du bonhomme, au moins concernant sa vision du cinéma. Bref, à défaut d'être réellement étonné, j'ai pris un réel plaisir en compagnie d'acteurs pour le moins inspirés : Dave Franco et Seth Rogen sont très bons, même si c'est évidemment James Franco qui focalise l'attention : il est vraiment excellent et aurait probablement postulé à l'Oscar si la déferlante #MeToo ne s'était pas abattue sur Hollywood, faisant beaucoup de dégâts plus ou moins justifiés. Une réussite.