A l'est, rien de (vraiment) nouveau
Vu en avant-première (en présence du réalisateur et d'une cougar de l'UGC ou de la mairie de Paris, j'ai pas trop compris) grâce à la générosité d'une amie qui ne pouvait pas être là et m'a cédé sa place, The East mérite sans doute qu'on en parle un peu.
Bon.
C'est l'histoire d'une jeune et jolie agent secret, bardée de diplômes, très pro mais avec des sentiments aussi (comme dans Homeland ou Zero Dark Thirty, c'est un peu à la mode voyez), qui bosse pour un service de renseignements privé (avec une patronne vaguement cougar également, tiens). Elle est chargée d'infiltrer un groupe "d'éco-terroristes", The East (nommé ainsi parce que cela évoque à la fois l'est des Etats-Unis où se trouvent les élites du pouvoir et les cibles du mouvement, et le "Far East" ou le "Middle East", d'après Zal Batmanglij lui-même), qui se venge des actions polluantes et/ou sérieusement dangereuses pour la santé des grands groupes industriels (dans l'énergie, les médicaments, etc) en utilisant les méthodes ou les produits de ceux-ci (à leur façon).
Comme elle est balèse, elle y parvient, et commence (évidemment) peu à peu à s'attacher aux membres du groupe : une sourde, Jack Sparrow (mais encore plus queer), Kemar, Ellen Page, et le commander in chief, un type à mi-chemin entre Brad Pitt et Sawyer de Lost (et accessoirement un peu le BG du lot, du coup vous pouvez deviner ce que l'héroïne va finir par faire avec le monsieur). Du coup elle se pose (évidemment) des questions : qui a tort, qui a raison ? Qui est du bon côté des choses dans cette affaire ?
Voilà pour le contexte.
The East n'est pas un mauvais film, par bien des aspects. Son scénario est relativement original, ses acteurs jouent plutôt bien, en particulier l'actrice principale (dont on sent qu'elle s'est impliquée pour son rôle) et il contient quelques scènes très bien senties (le tout étant correctement filmé tout du long, pas de shaky cam ou de montage dégueu). Surtout, il étonne de par son ton très critique (en particulier pour un film américain avec de gros producteurs, genre les frères Scott), son côté dénonciateur et alternatif - même s'il n'est pas loin de verser dans la démagogie par moments (n'y tombant heureusement pas tout à fait grâce à d'autres moments apportant un peu de nuance au propos).
Le vrai problème de The East (au delà de son traitement sonore assez moyen, avec des musiques plutôt désagréables pour le dire franchement, sous couvert de faire "hippie", "folk", "on a des instruments pas accordés mais on s'amuse bien"), c'est qu'il se montre souvent assez naïf dans son approche, derrière son apparence de thriller sans compromis. Les gentils sont beaux (même quand ils sont gros ou crasseux) et intelligents, les méchants ont l'air stupide et sont bouffis, ridés et forcément faux comme c'est pas permis (sourire Colgate artificiel, chirurgie esthétique...). Les gentils détiennent la vérité et lâchent des phrases du style "Ce médicament est dangereux mais comme ils l'indiquent sur la boîte, c'est comme ça qu'on se fait enculer". Les gentils dansent, chantent des chansons, se lavent mutuellement dans le cours d'eau voisin et se donnent la becquée (au cours d'une scène assez embarrassante parce qu'on voit très vite où le scénario veut en venir tout en se disant que c'est terriblement ridicule) : sous entendu ils savent ce que c'est que la vie d'être humain, la vraie, ils sont simples, tendres et aimants.
C'est un peu rapide, mon jeune ami.
Du coup même si The East remplit son contrat (il fait réfléchir, laisse entendre quelques solutions et semble sincère, tout de même), il déçoit un petit peu. Il atteint d'ailleurs le summum de la naïveté dans sa fin (que je ne spoilerai pas ici), qui veut nous faire croire que le film a inventé la poudre ("la vraie solution, c'était donc cela !") alors que cette fin, justement, est assez peu crédible.