« Maintenant il m'empoigne »
Quel court-métrage ! Si injustement méconnu !
Présenté à Sundance en 2003, je suis surpris que The Erlking n'ait pas plus marqué les mémoires, si ce n'est déjà par le choix de l'animation de sable. Si cette technique stop-motion où le réalisateur se sert des propriétés du sable, disposé sur une table lumineuse, est développée depuis près de cinquante ans, y avoir recours ici est une idée remarquable : le mouvement du sable évoque admirablement l'étreinte frissonnante de la mort, la main enveloppante du Roi des Aulnes de Goethe ! Les traînées de sable représentent à la perfection le souffle du vent, les courbes des saules de la forêt plongée dans la nuit !
La réalisation de Ben Zelkowicz, aujourd'hui animateur sur le programme télévisé Robot Chicken, est remarquable, et n'a rien à envier aux spécialistes de cette technique tant il parvient à se l'approprier : les nuances de gris, de noir sont subtilement maîtrisées jusqu'à l'effroyable déchaînement de couleurs, et l'intensité de la lumière également contrôlée afin de souligner les contrastes entre l'éclat de la nuit froide, les pâles visages inquiets du père et son enfant, la sombre figure maléfique de l'Erlkönig.
Et quoi de mieux pour rendre en images le lied poignant de Schubert ! L'interprétation de Peter Miyamoto au piano et du baryton Paul Berkolds est en parfaite harmonie avec l'intention du réalisateur.
Ce court-métrage est l'aboutissement cinématographique d'un poème du XVIIIe siècle on ne peut mieux écrit, et on ne peut mieux mis en musique au XIXe siècle. Disponible sur Internet, je ne peux qu'encourager mes lecteurs à se précipiter vers ce chef-d'œuvre aux courbes romantiques et accents expressionnistes.
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