Firewatch est l'un des titres qui font indéniablement du jeu vidéo un art.
Tout comme la toile du Voyageur contemplant une mer de nuages, nous voilà plongés dans un décor et un corps bien loin des nôtres : une forêt sauvage du Wyoming, sa brume rouge, ses montagnes alentours... dans les yeux d'Henry, garde-forestier au passé douloureux et profond. On reste contemplatif devant la beauté de l'illustration en même temps que grandit l'envie de prendre en main le destin de notre personnage si bien façonné.
Au fil des explorations, la quête elle aussi se dessine : les missions dont nous charge Delilah, notre superviseure, nous entraînent au quatre coins de la forêt et intensifient notre relation, délicieusement rythmée par les dialogues par talkie-walkie. Si l'on prend assez vite ses repères dans la forêt, les rencontres dans la forêt assombrissent nos objectifs.
On est ému, inquiet, on rit, on a peur. La taille de la forêt est modeste, le jeu relativement court, mais parfaitement maîtrisé. Il suffit de se laisser porter par l'aventure dont est saisi notre héros : pendant quelques heures, nous jouons en fait un véritable thriller interactif. Il est possible de s'arrêter autant qu'on le souhaite regarder le spectacle que donne à voir la nature, mais l'essentiel, et c'est tout ce qui est demandé au joueur, est de résoudre le mystère que ses découvertes obscurcissent.
Au cinéma, Firewatch ferait un très bon film : dialogues impeccables, photographie superbe, lumière à couper le souffle, musique à la fois discrète et notable. Mais il s'agit bien d'un jeu vidéo excellent, qui a bien choisi son support : l'immersion est totale, le retour à la réalité est lui-même difficile tant nous sommes emportés dans l'enquête et les nombreux sentiments d'Henry. Firewatch tire son épingle du jeu en proposant une expérience à l'intersection du cinéma et du jeu vidéo : vivre l'un des meilleurs films de l'année.