A l'heure où les oeuvres les plus médiocres sont déversées semaine après semaine dans les salles de cinéma françaises, avec une nette préférence pour l'indigente comédie beauf du terroir que l'on encense de manière mensongère à longueur d'émissions qui servent la soupe à leurs têtes d'affiche de plus en plus putassières et prostituées sur l'autel de la publicité, voir des films tels que The Fall être édités en direct-to-video de manière indigne a quelque chose de révoltant et de honteux. Le prix de l'ambition qui n'est pas jugée immédiatement accessible, sans doute.
Pensé à l'évidence pour le grand écran, tourné dans 18 pays, The Fall conte la rencontre de Roy, un cascadeur au coeur brisé, et de la petite Alexandra dans un hôpital de Los Angeles dans les années 20. L'acteur noue des liens privilégiés avec la petite et lui raconte une longue histoire, à épisodes, afin de la tenir en haleine et qu'elle lui rende divers services, comme lui chercher des cachets de morphine pour qu'il puisse en finir. Si le scénario est assez sombre, la réalité de l'histoire, engoncée dans cet hôpital, décor quasi unique à l'horizon bouché, est contrebalancée par l'atmosphère orientale du conte et de son monde qui s'ouvre et paraît dès lors comme un espace infini. Les décors livrent des images magnifiques d'une puissance absolue, aux couleurs chaudes et profondes, véritables tableaux mis bout à bout dans lesquels évoluent les acteurs dans les costumes les plus originaux et élaborés.
L'histoire racontée par le cascadeur adopte la forme d'un conte tiré tout droit des 1001 nuits. Elle se plie dans un premier temps à la volonté de son auditrice avide d'épopée épique, de chevaleresque et de rebondissements. Mais peu à peu, Tarsem Singh filme la contamination de l'histoire par la réalité. Et l'émerveillement enfantin cède insidieusement la place à une infinie tristesse, la suite du conte devenant un véritable miroir des états d'âme de Roy, variant ainsi en fonction de l'état psychologique de son narrateur. Jusqu'à présenter, dans son final, une véritable catharsis, tant pour le cascadeur que la petite fille, un sommet d'émotion suscité par le tournant pris par le conte
dont on voudrait, comme Alexandra, en larmes, qu'il ne se termine pas de cette manière.
Film touchant, émouvant, dépaysant, d'une beauté surnaturelle, The Fall fait passer son spectateur par un spectre d'émotions très large alors que son propos, assez sombre, se dilue dans un aspect onirique et merveilleux (comme Le Labyrinthe de Pan)
qui pourrait être vu comme une déclaration d'amour au septième art de la part de Tarsem, comme en témoignent les ultimes images en noir et blanc et la voix off gourmande de la petite Alexandra.
Formidable.