Devoir de mémoire
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le 3 juin 2021
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Couvert de prix, Oscar décerné à la surprise générale à Anthony Hopkins, le premier film du dramaturge et romancier Florian Zeller signe une adaptation de sa propre pièce tout en s'adaptant aux contingences du cinéma. Bien que le nom ne soit jamais cité, le personnage, qui s'appelle Anthony, et a la même date de naissance que l'acteur, commence à souffrir des effets de la maladie d'Alzheimer, au grand dam de sa fille qui veut le placer dans un centre, mais lui tient à rester chez lui.
Je suis sorti bouleversé par le film, non pas par expérience personnelle, mais par le jeu d'Anthony Hopkins, dont j'ai oublié à un moment que c'était un acteur, qu'on sent disparaitre, perdre pied peu à peu avec ses proches, avec son monde, pour un voyage sans retour. Bien que ça soit tiré d'une pièce de 2012 (et qu'un film français, Floride, l'ait déjà adapté trois ans plus tard), la mise en scène est constamment ingénieuse pour nous montrer que oui, le film se passe en grande majorité dans cet appartement, mais on voit que le point de vue est celui d'Hopkins, avec quelques trous volontaires dans la narrations, des personnages dont on peut se demander si ils sont réels ou non, jusqu'à ce final magnifique avec une infirmière.
J'ai déjà côtoyé des gens qui souffraient de cette maladie, et il y un truc, entre autre, très bien restitué, qui est cette obsession du détail. Pour ma part, c'était la présence de clés ou de cigarettes qui devaient être là : dans le film, c'est l'obstination de Hopkins à retrouver sa montre où il accuse des gens de le lui avoir volé. Sans oublier ces moments d'absence, comme si il avait un voile.
Il est difficile d'expliquer à quelqu'un ce qu'on peut vivre, et c'est le point de vue de sa fille, jouée par l'excellente Olivia Colman, ainsi que son compagnon Rufus Sewell, qui s'exaspèrent, qui peuvent même penser qu'il le fait exprès. Tout comme le montre sa discussion avec une jeune femme de ménage où il explique qu'il était auparavant danseur de claquettes alors que non ; comme s'il développait un don alors qu'il est en train de tout perdre.
The father est un film d'une grande subtilité, qui touche parfois au sublime sans se montrer grossier, et, mille fois, Anthony Hopkins a mérité cet Oscar. Tout en reconnaissant que le jour de la cérémonie, il était tant persuadé que Chadwik Bosman l'aurait qu'il était parti se coucher et ne l'a appris que le lendemain, tout en faisant un bel hommage à l'acteur disparu.
C'est rare d'être autant ému par une prestation, et celle-ci est de la marque des plus grandes.
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Créée
le 29 sept. 2021
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