Il aura fallu des années pour en arriver là. Cruelle ironie, l’adaptation du personnage le plus rapide du monde est celle qui aura été la plus longue. The Flash est sans doute l’une des productions super-héroïques les plus bordéliques jamais entreprises, égalant Suicide Squad et Justice League : 6 scénarios abandonnés (probablement beaucoup plus), 5 réalisateurs différents sans compter ceux qui ont été seulement envisagés, des reports de tournage à n’en plus voir le bout. jusqu’à ce qu’Andy Muscietti et Christina Hodson atterrissent en catastrophe pour en finir une bonne fois pour toute ; des personnages et des acteurs sortis du placard avec la vague excuse du Multivers et du voyage dans le temps pour relier le tout et attirer le plus de fans possibles. Un bordel de développement comme seul Warner Bros est capable de subir avec son DCEU entamé depuis Man of Steel il y a tout juste dix ans (bon anniversaire). Le film est victime de tous les rafistolages grossiers d’une saga qu’il a même eu, pendant un temps la responsabilité impossible de rebooter. Mais maintenant qu’une page doit être tournée, il faut en finir pour démarrer la transition vers un âge nouveau. Et puisque cette saga est destinée à disparaître, autant que cela soit fait avec panache...
The Flash devient donc une tentative de rentabiliser scénaristiquement des années entières d’enfers de développements, pas seulement celles du DCEU, mais également celles de tout le catalogue super-héroïque de la Warner accumulées sur des décennies, incluant le Batman de Michael Keaton
mais aussi des projets familiers tels que le Superman de Christopher Reeve, voire obscurs comme celui de Tim Burton joué par Nicolas Cage (au point où on en est, j’aurais voulu aussi la Justice League de George Miller mais c’était trop beau). Car si il faut mourir, autant en emporter un maximum dans la tombe.
Comme si, certains de ne pas obtenir un quelconque public, le film tentait de jouer les apprentis sorciers pour essayer de retirer une quelconque richesse de tous ces déboires. Bad material is still material…
The Flash devient donc un film melting pot qui tente de tout faire, partout, tout à la fois : réintroduire le Batman de 1989, revenir sur l’entièreté de tout le DCEU, le tout en racontant une histoire entièrement centrée sur Barry Allen et le deuil de sa mère. Le tout emballé dans une pseudo-analogie avec Retour vers le futur (parce que quitte à s’inspirer d’un film de voyage dans le temps, autant s’inspirer d’un film qui a de la gueule). Travail impossible sans faire n’importe quoi, et là-dessus Andy Muschietti ne déçoit pas.
The Flash devient alors un festival de n’importe quoi dans lequel le réalisateur ne peut rien faire d’autre que de s’amuser comme un petit fou (on lui concédera au moins ça, étant la seule chose qui permet au film de ne pas ennuyer une seule seconde), même quand cela n’a pas le moindre sens (Batman en plein jour, que ce soit Keaton ou Affleck ; les explications sur les changement temporels pour justifier des caméos sans queue ni tête) et que le ton ne s’y prête absolument pas (toute la séquence reprise sur Man of Steel qui ignore les décès alors que le sauvetage était le but premier).
Pour autant, il y a une satisfaction à tirer au milieu de ce délire. La comparaison avec Zack Snyder et Tim Burton a beau faire terriblement mal, il y a un réel plaisir de voir ses rêves de gosses se réaliser (Supergirl, la formation d’une proto Justice League et bien sûr, revoir Michael Keaton en action sous le masque du chevalier noir), et Andy Muschietti déborde de sincérité et d'énergie dans ce qu'il tourne. Le plaisir régressif est le seul qu’on puisse tirer de tout ce bordel. Le film n’est qu’un immense défouloir ne reposant que sur le fan-service, sans quoi il n’y aurait qu’une comédie super-héroïque déjà revu.
Incroyable qu’au milieu de tout ça, le film tient miraculeusement debout. Il n’a qu’une identité, celle de faire comme tout le monde mais avec une surenchère presque mignonne. Surenchère qui reste loin de ses capacités, les effets numériques sont parmi les plus dégueulasses vus dans un blockbuster à aussi gros budget (et cela alors que le tournage est terminé depuis deux ans)
Et sa conclusion amenant Allen à tout simplement abandonner laisse avec un goût douteux une fin qui balaie d’un revers tout le bordel qu’il a mis en place.
Dans tout ça il y a une chose de positive : dans son ambition de vouloir réconcilier tout le monde, le film ne traite plus aucun des échecs passés comme une erreur à gommer
(en témoigne l'improbable caméo de George Clooney à la toute fin. Comment ne pas constater le capital sympathie pour un navet devenu pour les fans un nanar culte ?).
Accoucher d’un film aussi boursouflé et décomplexée sur tous les dégâts qu’il laisse sur son sillage était-il le prix à payer pour autant de souffrance en coulisses ? Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’au moins, The Flash est maintenant passé. Nous pouvons faire le deuil du DC Extented Universe et passer à autre chose. Peut-être James Gunn nous aidera-t-il à tourner la page.