Je m’attendais à un film épique grandiloquent, ou du moins à une œuvre de propagande édifiante aux traits lourds ; ce fut une belle surprise. Même s’il y a bien un message politique peu subtil qui se profile à mesure qu’avance l’histoire – et le réalisateur aurait pu tempérer ses velléités – The Fortress, récit du siège de la ville fortifiée de Namhansanseong en 1636 par les Qing, propose une fiction politique qui fait la part belle aux débats tout en donnant une place de choix à la réalité de la guerre. Le réalisateur Hwang Dong-hyuk est parvenu à créer un équilibre inattendu entre les quelques scènes de combat et les temps de débat, sans que cela affecte le rythme général du film. Les discussions politiques qui accablent le roi coréen Injo, dont l’état de santé fébrile indique symboliquement le déclin monarchique, mettent en scène un combat entre la voie diplomatique et la voie guerrière sans manichéisme. Le déclin de l’empire des Joseon face à la toute puissante des Qing, la désuétude grandissante de ces hommes d’État, la mise en scène de l'hésitation du roi, les résolutions amères du ministre diplomate Choi Myung-Kil offrent un regard mélancolique sur l'Histoire coréenne finalement peu connue. L'affiche française du film ne rend en ce sens pas hommage à l'ingéniosité insoupçonnée du film et à ses choix scénaristiques: il ne s'agit pas d'un film sur un héros de guerre en particulier, mais bien sur la somme des individualités qui tentent à tout prix de sauvegarder l'empire des Joseon, en explorant toutes les voies possibles, et aucune d'entre elles ne paraît l'emporter aux yeux du réalisateur.