Je m'attendais à voir un film qu'on adore ou qu'on déteste et, comme j'ai tout de suite accroché, je suis resté enthousiaste jusqu'aux dernières minutes. Et puis tout s'est terminé sur une énorme frustration : "tout ça pour ça ?!" Aronofsky réalise une véritable prouesse en menant jusqu'au bout une oeuvre incongrue, difficile, exigeante, en parvenant à garder une certaine cohésion (à grand renfort, il est vrai, de récurrences et d'échos parfois un peu lourds, car vides de sens) et en réussissant la plupart de ses scènes, tant en termes d'esthétique que de direction d'acteurs (malgré, là aussi, quelques lourdeurs mais c'était presque inévitable, vu la dimension épique, tout comme c'était inévitable dans les films de Peter Jackson avec lesquels "The Fountain" semble entretenir une relation esthétique). Mais toute cette complexité est mise au service d'un propos assez creux, alourdi par la surabondance de symboles convenus et ethnocentriques (l'anneau qui symbolise l'amour, pitié !) et de raccourcis faciles (les rapprochements superficiels entre la mythologie maya, la philosophie bouddhiste et le système de valeurs chrétien). On navigue d'allégorie en allégorie, tout ce temps qu'on aurait pu consacrer au rapport complexe de l'humain à la mort, on le passe à chercher le sens un peu comme on cherche l'assassin dans un polar. Alors évidemment, point de vue contenu, on n'a pas trop l'occasion d'approfondir : mieux vaut s'en tenir à une dualité caricaturale "en-acceptant-la-mort-on-trouve-l'accomplissement-de-soi" VS "en-combattant-la-mort-on-se-fait-mal" . Pas de place pour les nuances intermediaires (ni les personnages qui auraient pu les incarner).
Tout ça ne serait pas bien méchant s'il n'y avait pas une prétention à l'universalité qui masque le vrai fond du film, une belle et humble réinterprétation libre de l'Evangile — un beau projet en soi, mais de là à en faire une espèce de quête initiatique ultime sur le devenir de l'être humain, merci mais non merci.