J'ai été décontenancé par les premières pages. D'autres lecteurs m'ont parlé d'une Afrique retrouvée, de lieux ressuscités. Moi qui ne connait rien de ces contrées, j'ai seulement découvert des couleurs, des odeurs, comme un voyage plein de typicité, mais pas si loin des "cartes postales" qui faisaient fulminer Breton. J'étais dérangé par ce je-ne-sais-quoi d'hautain dans le ton de l'auteur.
Tout s'est brusquement dissipé quand le livre a pris la tournure dramatique qui le définit. Et tout a pris sens. Ces paysages et ces visages demandaient d'être peints avant que la mort ne fasse son entrée. Cette froideur qu'accusait la plume, n'était autre qu'une amertume généreusement tempérée, comme la gravité d'un père qui a trop vécu mais qui se retient de brusquer son enfant tout en lui révélant la laideur du monde.
On entre alors dans l'intimité de la violence vécue. Gaël Faye semble si proche, comme s'il était dans la pièce avec nous. Rien de journalistique, pas d'intention historique dans ce témoignage. Seulement le regard d'un adulte qui cherche celui de l'enfant qu'il a été. Au fil des pages, l'écriture vient vous chercher aux tripes. Pendant les jours qui ont suivi, je n'ai plus lâché le roman et le roman ne m'a plus lâché.