Je ne sais plus si beaucoup de films reposaient sur des retournements, dans les années 90, je n'ai pas l'impression.
The Game raconte comment un quasi-milliardaire, Nicholas Van Orton (Douglas), se voit offrir par son frère Conrad (Sean Penn) un droit d'entrée pour Consumer Recreation Services, une société qui propose un "jeu". Nic essaie de se renseigner, et rencontre d'anciens clients enthousiastes, qui refusent cependant de le renseigner davantage. Il se présente dans les locaux de CRS, où on lui fait passer des tests. Rentré chez lui, il trouve un mannequin de clown et sa télé commence à lui parler en temps réel. On lui remet une clé, et d'autres sont à venir. Puis, dans un restaurant, il reçoit un mot "Ne la laissez pas filer", et la serveuse, Christine, lui renverse un verre dessus et se fait virer. Il la suit. Ils tombent sur un clochard mourant. Ils appellent une ambulance, mais arrivés à l'hôpital, toutes les lumières s'éteignent et tout le monde s'enfuit. Une mise en scène....
... Et tout le film continue ainsi, sur le principe "ce que tu croyais vrai était en fait faux". Nic entame une véritable descente aux enfers, croyant que CRS a saisi ses actifs et le surveille. Puis il en vient à donner ses codes bancaires. Il se réveille à Tijuana, sans papiers. Galère pour revenir. Retrouve les locaux de CRS, avec la plupart des figurants qu'il a croisé dans le film (fort belle idée). Prend Christine en otage. Tue son frère avec un vrai pistolet. La fin, inattendue, est particulièrement bluffante.
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Si le procédé du twist peut lasser un peu, le scénario se reconfigurant à l'infini une fois le spectateur ayant renoncé à une quelconque vraisemblance, on profitera en cinéphile de ce film nimbé de l'aura de San Francisco. Belles images des flashbacks enfantins sur un domaine à la Rebecca de Hitchcock, beau et sale juste comme Fincher sait faire. Superbe scène de la verrière illuminée explosant en morceaux sous le poids du corps de Nicholas. Les acteurs jouent tous bien, et les décors font délibérément "cinéma", pour amener une double réflexion. D'abord sur le rapport entre cinéma et réalité. Mais surtout sur la valeur de l'individu (et en ce sens on sent la patte de Fincher), sur la vulnérabilité des données personnelles, et sur les illusions dans lesquelles la société, avec ses marqueurs sociaux, baigne l'individu.
Cela dit, tout n'est pas également bon, et j'étais notamment choqué par l'éditeur qui remercie Nicholas de l'avoir foutu à la porte avec de grosses indemnités afin de prendre sa retraite.
Pour l'ambiance, "The game" évoque la "Traumnovelle" de Schnitzler, adaptée au cinéma par Kubrick sous le titre "Eyes wide shut".