Un Stephen Chow que j'ai trouvé un poil moins sincère que ceux que j'ai déjà vus, accusant également d'un petit ventre mou à la mi-parcours et de personnages moins bien caractérisés, mais qui parvient toujours à insuffler de bonnes idées jouissives et marrantes. Déjà, le script de base envoie du rêve, croisant le dessin-animé Le Petit chef avec de la comédie HK pur jus, transformant cette fois-ci, pour un temps seulement, Stephen Chow en personnage détestable, star de la cuisine et critique culinaire imbu de lui-même. Ce changement d'angle est une idée globalement réussie et bien utilisée (comme le moment où il donne des zéros à tous les candidats d'un concours avec une mauvaise foi et une soif d'humilier évidentes en balançant des commentaires dignes du titre de l'aigri du mois en matière de goût).
Mais ça se gâte un peu lorsque la supercherie le rattrape (de belle manière, avec un fan qu'il défonce au passage) en le faisant tomber dans la misère et en le faisant rencontrer un talent caché de la cuisine, à savoir une mocheté pas possible. D'habitude, Stephen Chow parvient à rendre ses personnages attachants, ce qui fait en grande partie la force de ses films, mais cette fois-ci le courant passe beaucoup moins bien, et il faudra se contenter d'humour gol parfois réussi mais qui manque aussi de tendresse (sauf peut-être lorsque cette femme laide comme un pou chante horriblement faux, mais révélant paradoxalement, par ses paroles, son petit coeur meurtri). On retrouve donc son thème favori de la pauvreté et de la passion retrouvée à travers ce biais, mais surprise, l'empathie passe d'abord par son personnage féminin avant de passer beaucoup plus tard par Stephen Chow. Cette inversion des rôles est semble-t-il volontaire, mais du coup il y a un effet poussif autour de lui assez déplaisant qui heureusement ne nous casse pas trop longtemps le plaisir.
Dommage aussi que ça manque un peu de combats culinaires, car c'est un peu ce qu'on attendait à la base, mais il faut finalement attendre l'affrontement final pour que la marchandise soit livrée après avoir eu quand même quelques croustilles sympathiques, où toute l'énergie et le manque de créativité qui pêchaient légèrement nous sont balancés en pleine poire. De bonnes idées plus ou moins débiles s'enchaînent ainsi, à l'image de la technique de la "chaise pliante", ou des recettes de cuisine qui mêlent de manière joyeusement bordélique savoir-faire culinaire, philosophie bouddhiste, et arts-martiaux. Si on connait déjà le dessin-animé précité, la surprise est forcément moins forte, mais les flashbacks vers l'étrange temple bouddhiste pimente le tout avec des idées parfois "autre", et une implication envers le personnage de Stephen Chow enfin en place.
Pour résumer, on ne peut pas reprocher à Stephen Chow d'avoir essayé de varier un peu ses ingrédients (même s'il en reprend le fil directeur qui commence à devenir un peu redondant, à force, l'intérêt étant qu'il change de thème à chaque fois), par exemple en incarnant aussi longtemps un mauvais bougre qu'on se plait à détester, mais il convainc moins faute à des personnages qui manquent un peu d'épaisseur, et surtout à des intentions peut-être moins profondes, à l'image de cette fin qui n'assume pas le message qu'il transmettait précédemment, que la beauté vient surtout de l'intérieur (bon c'est vrai qu'elle était moche ... et ça colle assez bien avec le traitement satirique du milieu de la restauration que l'on retrouve tout au long du film). Mais sans cela, c'est toujours un chef pour redonner le moral, avec un festival de gags très présent, parvenant souvent à surprendre malgré une recette globale que j'ai retrouvée dans ses cinq comédies vues jusqu'à présent. Tant que ça fonctionne je suis preneur.