Plus le temps passe, plus Wes Anderson gagne de la place dans mon cœur de spectateur. Film après film il développe un univers si particulier, une vision de la mise en scène unique et, par dessus tout, fourmille d'idées toutes plus folles et géniales les unes que les autres. Avec son Grand Budapest Hotel, il atteint l'apogée de son œuvre, gommant les défauts de ses précédents films, et améliorant toutes leurs qualités.

Lorsque l'on aborde un nouveau Wes Anderson, et en connaissant le monsieur, on sait très bien que l'on passera un bon moment, on sait qu'il va nous emmener dans un univers particulier, tout aussi violent qu'utopique. On sait que l'on rira, que l'on sera triste, il maîtrise la palette des sentiments comme peu savent le faire. Il nous conduit, pendant 1h40, dans des endroits inconnus, et on le suit, avide d'en savoir plus sur cette histoire peu commune et sur ces personnages énigmatiques.

Grand Budapest Hotel c'est surtout et avant tout, un réalisateur qui atteint le paroxysme de son œuvre, son film le plus abouti, techniquement et artistiquement, tout ses choix sont gagnant et payant. Le nombre d'idées qui lui passent par la tête et qui se transposent si bien à l'écran est impressionnant. Je pense à cette vision miniature de certaines scènes, comme les plans d'ensembles de l’hôtel, la poursuite en ski et luge, scène absolument jouissive), qui sont des recours géniaux aux scènes d'actions classiques. On reste dans cet esprit enfantin, il n'y a pas de surenchère d'effets spéciaux, tout est pensé pour que le film suive la bonne trajectoire.
Et il y a la mise en scène. Il y a peu je disais que Scorsese était certainement le plus grand metteur en scène encore en activité, je le maintiens, mais le travail d'Anderson de ce côté là est titanesque, et rarement reconnu à sa juste valeur. Le passage du 16:9 en 4:3 en plein milieu du film, n'est pas anodin, et prouve son intelligence, le travelling n'a plus de secrets pour lui, son cadre est toujours précis au millimètre près pour que tout ce qu'il souhaite montrer se retrouve dans l'image. Tout est parfait. Les changements de points de vue au travers des époques, c'est génial aussi. Le son a toujours été un liant entre les scènes au cinéma, il l'est ici pour les différents points de vue avec la présence d'une voix off, qui change constamment, et qui fait la transition de manière si délicate et si simple.

Quand je parle de défauts qu'il a su gommer, je pense surtout à des problèmes de rythmes, qui m'ont toujours un peu gênés, que ce soit dans Rushmore, ou Moonrise Kingdome et La Vie Aquatique, que je trouve un poil trop long. L'histoire se déroule ici sans accroc, sans baisse de rythme, elle est amenée doucement, sans que ça ne s'étire en longueur. La multitude de personnages n'a jamais été un réel problème chez Anderson, ils ont tous un rôle à jouer à un moment ou un autre de l'histoire, et ça se revoit ici, que ce soit pour un simple gag, ou pour apporter un plus à l'histoire. Par exemple, le personnage de Harvey Keitel fait progresser le récit, alors que celui de Bill Murray est surtout là pour un sketch (hilarant au passage).

Et un peu comme l'a fait Judd Apatow, on retrouve la même famille d'acteurs présents aux côtés d'Anderson depuis ses débuts. Jason Scwartzmann, Bill Murray, Owen Wilson, Edward Norton, Tilda Swinton etc.. Tous des fidèles qui le suivent, qui le connaissent et qui rentrent à merveille dans son univers de fou. Ils sont tous au diapason a chaque scène, Ralph Fiennes magistral en tête.

Au final je ne considère pas Grand Budapest Hotel comme une simple succession de gags sans arrière pensée. On retrouve une réflexion sur la seconde guerre mondiale, la mort prenant une place très importante ici. Il regarde les relations humaines sous un nouveau jour, décalé et jouissif, certes, mais non teinté d'une tristesse ambiante et d'un pessimisme fort dans son discours.
Son meilleur film à ce jour, le plus abouti, le plus réfléchi et le plus complet a tout les niveaux.
Du grand art, tout simplement, le cinéma comme on l'aime.

Créée

le 2 mars 2014

Modifiée

le 2 mars 2014

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