Wes Anderson me fait un peu penser à des mecs comme Tim Burton ou Quentin Tarantino. Des cinéastes aux univers immédiatement reconnaissables, et qui s'y tiennent coûte que coûte. Alors du coup, au bout d'un moment, il n'y a plus aucune surprise et nous savons déjà ce que nous allons voir avant d'entrer dans la salle. Mais si l'on a du bol, cela ne nous empêchera pas de prendre un véritable plaisir, un peu comme si nous retrouvions un bon copain autour d'un bon dîner ou d'une bonne bière.

Bardé de récompenses, le nouveau film de Wes Anderson se revendique des oeuvres de Stefan Zweig, de Lubitsch, d'Hannah Arendt ou encore d'Irène Némirovsky. Une flopée de références que le cinéaste digère à sa façon, afin de développer son propre petit monde bien à lui, tel un marionnettiste donnant vie à une galerie de personnages tous plus hauts en couleur les uns que les autres.

Véritable livre pop-up cinématographique, "The Grand Budapest Hotel" permet à nouveau au papa de Steve Zissou de démontrer un sens du cadre proprement ahurissant, de jouer avec les différents ratios d'image avec un talent remarquable (le format 1.37 n'avait pas été aussi judicieusement utilisé depuis des lustres), livrant ainsi son oeuvre la plus aboutie formellement.

Comme souvent chez Anderson, le casting est monstrueux, mené par la suavité d'un Ralph Fiennes absolument grandiose en maître d'hôtel, secondé par de sacrées trognes inoubliables. Bien que légère et sacrément drôle, d'une inventivité constante, la farce se pare par moments d'un voile plus sombre, plus grave, le délire ambiant cachant à peine une toile de fond tragique, souvenirs fugaces et entremêlés d'une autre époque.

Si l'on ne retrouve pas complètement la folie décalée de "La vie aquatique", l'émotion du "Darjeeling Limited" ou la douce nostalgie de "Moonrise Kingdom", il y a tout de même du Keaton et du Hergé dans ce spectacle charmant, trépidant, délicieusement désuet, à tel point que je ne peux que fantasmer sur une adaptation des aventures du petit reporter par ce grand gamin de Wes Anderson.

Créée

le 28 janv. 2015

Critique lue 5.7K fois

89 j'aime

16 commentaires

Gand-Alf

Écrit par

Critique lue 5.7K fois

89
16

D'autres avis sur The Grand Budapest Hotel

The Grand Budapest Hotel
Sergent_Pepper
8

Le double fond de l’air est frais.

Lorsque Wes Anderson s’est essayé il y a quelques années à l’animation, cela semblait tout à fait légitime : avec un tel sens pictural, de la couleur et du réaménagement du réel, il ne pouvait que...

le 27 févr. 2014

232 j'aime

23

The Grand Budapest Hotel
Veather
9

Read My Mind #2 : The Grand Budapest Hotel

Ami lecteur, amie lectrice, bienvenue dans ce deuxième épisode de RMM (ouais, t'as vu, je le mets en initiales, comme si c'était évident, comme si c'était culte, alors qu'en vrai... Tout le monde...

le 8 sept. 2014

175 j'aime

51

The Grand Budapest Hotel
guyness
9

Anderson hotel

Comme tout réalisateur remarqué, Wes Anderson compte quatre catégories de spectateurs: les adorateurs transis, les ennemis irréductibles, les sympathisants bienveillants et, beaucoup plus nombreux,...

le 28 févr. 2014

157 j'aime

68

Du même critique

Gravity
Gand-Alf
9

Enter the void.

On ne va pas se mentir, "Gravity" n'est en aucun cas la petite révolution vendue par des pseudo-journalistes en quête désespérée de succès populaire et ne cherche de toute façon à aucun moment à...

le 27 oct. 2013

269 j'aime

36

Interstellar
Gand-Alf
9

Demande à la poussière.

Les comparaisons systématiques avec "2001" dès qu'un film se déroule dans l'espace ayant tendance à me pomper l'ozone, je ne citerais à aucun moment l'oeuvre intouchable de Stanley Kubrick, la...

le 16 nov. 2014

250 j'aime

14

Mad Max - Fury Road
Gand-Alf
10

De bruit et de fureur.

Il y a maintenant trente six ans, George Miller apportait un sacré vent de fraîcheur au sein de la série B avec une production aussi modeste que fracassante. Peu après, adoubé par Hollywood, le...

le 17 mai 2015

212 j'aime

20