Générique. Émerveillé comme je ne l'avais plus été au cinéma depuis Moonrise Kingdom, j'émerge peu à peu et me remet de cette magistrale claque. Je comprends parfaitement que ça puisse ne pas plaire à certains, mais j'ai l'impression d'avoir visionné tout ce que je voulais voir au cinéma.
Les débuts sont pourtant timides, avec une intro très "Zweigienne", et emplie de mélancolie : on admire ce vieil hôtel presque désaffecté, mais dont l'ampleur augure d'un prestigieux passé. Et puis on rencontre Mr Mustafa, qui va pouvoir nous conter les moments où il était plus rutilant. Et après moult péripéties, totalement folles, esthétiquement superbes et une kyrielle de gags, on y revient. Dans le vieil hôtel, presque déserté. Mais désormais, on connait son histoire, et il mérite le respect. Et désormais, le tableau du gamin à la pomme, visible depuis l'entrée, resplendit pleinement.
Mais les similitudes avec les oeuvres de Zweig ne s'arrêtent pas à la simple structure de la narration, tout le cadre et les sujets en semblent inspirés. Un pays oriental au nom de Vodka "du bison", des problèmes avec les nazis (les fameux ZZ) et deux protagonistes extravagants, de bon coeur et pourtant pas tout à fait gentleman. Et une heure trente de folies visuelles, de couleur éclatantes, d'aventures complètement dingues, de séquences qui repoussent les limites de la cohérence visuelle et d'acteurs géniaux. Parmi lesquels brille surtout le jeune Tony Revolori, qui fait pourtant figure d'inconnu du bataillon. Sa fausse naïveté, sa malice et sa fraicheur apportent beaucoup au film et son duo avec Ralph Fiennes est délicieux. Parce que ce dernier sera toujours partagé entre sa condescendance logique au vu de son "rang" et son envie de protéger ce jeune "Lobby Boy" un peu gauche.
Et en fait ça faisait longtemps que je n'avais pas vu une aventure aussi drôle et variée à l'écran, et deux jours après l'avoir visionnée, je garde en mémoire tous ces moments absurdes : la fuite en ski en stop-motion, la bagarre improvisée lors de la lecture du Testament, la fuite de la prison, la grande fusillade au sein de l’hôtel ou encore la série de coups de téléphone par delà le globe. Tout cela n'avait aucun sens et aurait juré dans un film "conventionnel", tant ces scènes sont montées bizarrement et ne sont pas réalistes. Mais le tout donne au film une douceur et un côté sucré, pourtant contrebalancé par l'intrigue presque hitchcockienne avec ses meurtres salaces en pagaille et cette menace constante que représente Willem Dafoe.
Alors que je m'attendais à un film au sein d'un hôtel avec la vie de divers protagonistes et quelques éléments mignons, le film me prit totalement à contre-pied avec son aventure farfelue, bien rythmée, folle et aussi réussie visuellement que musicalement, et Wes Anderson a prouvé qu'il était encore capable de surprendre, tout en gardant certains ingrédients qui ont fait la clef de son succès. Et en plus ça motive à lire d'autres livres de Stefan Zweig.