La splendeur des Anderson
Wes Anderson fait partie de ces réalisateurs dont les films se reconnaissent au premier coup d’œil. Que ce soit par les plans (travellings caractéristiques), par les acteurs (Bill Murray, Willem Dafoe...), les couleurs (pastels) ou les histoires de famille passablement fucked up.
Ici, en dehors de l'histoire de famille qui est pour le moins périphérique, les autres éléments caractéristiques du cinéma d'Anderson sont bien présent, et plutôt en bonne forme d'ailleurs, accompagnés d'une poésie mélancolique au milieu de rires francs eux aussi au sommet.
La mise en scène d'abord, toujours aussi étudiée, construite et utile, les jeux de symétrie sont toujours présents, les passages champ/hors-champ également. Le rythme du film atteint une forme de plénitude quand Moonrise Kingdom en particulier malgré l'affection sincère que je peux lui porter souffrait clairement de sautes d'humeur préjudiciables. La question se pose aujourd'hui du futur de Wes Anderson, qui après ce film qui ressemble à une somme stylistique de son œuvre, va devoir trouver de nouvelles orientations, et l'on a pu constater que chez de nombreux réalisateurs, le renouvellement est parfois long et douloureux à accoucher.
Cette réflexion porte aussi sur la partie casting et scénario, univers on pourrait dire, qui est également brillante dans Grand Budapest Hotel - voir les performances de Ralph Fiennes ou Adrian Brody - mais finalement une version plus aboutie du propos et des castings des films précédents.
Pas de quoi bouder son plaisir hein, le résultat est royal et jouissif.
Je sens bien le côté parfaitement rabat-joie de ma logorrhée, d'autant plus absurde certainement que le film m'a vraiment beaucoup plu, mais il y a une odeur de fin de règne persistante dans ce film, à la fois par ce qu'il raconte (l'Europe Centrale d'entre deux guerres, la fin des privilèges, la disparition d'un monde...) et surtout par Mr Gustave qui de l'aveu même de son Lobby boy essayait de faire illusion, de maintenir un décorum et un monde qui avait déjà disparu. Wes Anderson n'en est pas là, même si on sent chez lui une recherche des univers enfantins, mais malgré tout, il a un vrai côté Mr Gustave, dans son acharnement à faire vivre des univers disparus (ou qui n'ont jamais existé), à construire ses films sur des fantasmes et j'ai bien peur que son prochain film, si il reste dans la même veine ne soit celui de trop.
Ceci dit, j'avais déjà ce sentiment lors de Moonrise Kingdom, et j'espère que Wes Anderson continuera à me faire mentir, et restera dans la liste des réalisateurs dont je vais voir le dernier film quoi qu'il arrive.