Peut-on commencer à se pencher sur le cas de Wes Anderson par The Grand Budapest Hotel ? Peut-on réellement apprécier sa dernière création sans rien savoir de lui ? N'avoir jamais touché à l'une de ses œuvres est-il signe d'un profond ennui pour les heures qui vont suivre ? Wes Anderson est génial, ou semble génial. Il aura au moins le mérite d'attirer la curiosité, grâce à son hôtel. Cette curiosité finira par être synonyme des premiers battements d'une inévitable idylle entre Anderson et son spectateur.
The Grand Budapest Hotel, c'est avant tout une ambiance. Débordante de chic et emmenée par Monsieur Gustave, dandy et concierge admiré de par son goût pour la perfection. A ses côtés, Zero Moustafa, apprenti lobby-boy, et élève de la classe. Que dis-je, la clâââsse. Duo débordant de sympathie, de comique, et d'élégance, porté par une réalisation très soignée de Wes Anderson qui nous installe dans un monde sucré au possible.
Mais dans cette Europe du milieu du XXème siècle, la guerre finit par rattraper Monsieur Gustave, qui est pourtant à l'opposé de tout ce qui peut s'y tramer. La guerre, bien que matérialisée par un pseudo-nazisme, se traduit avant tout par une autre guerre, celle pour l'héritage d'une fidèle cliente du Grand Budapest Hotel et de l'élégance de Monsieur Gustave, et ce, à tous les niveaux. Voici que notre dandy se retrouve entre deux fronts, deux parties de lui qui s'affrontent sans pour autant ne jamais rien en laisser paraître. Car oui, Monsieur Gustave conserve sa légèreté tout du long et semble bien loin de ce mal qui tente d'infiltrer à la fois l'Europe entière, et à la fois ce monde rose, son monde.
Légèreté, mot-clé concernant à la fois le film en lui-même et Monsieur Gustave. The Grand Budapest Hotel résume tout le bon qu'il y a dans l'humour anglais, du début à la fin. On ne se lasse à aucun moment des répliques cinglantes de Mr. Gustave ou de celle de son rival Dmitri. Et, avec étonnement, on rit de ce contexte de guerre, rude et pourtant loin de toute pointe d'humour. Wes Anderson se permet, par sa réalisation, de placer ses acteurs en marge de tout ce qu'il se trame dans le reste de l'Europe. Et Dieu que le retour à la réalité sera brutal pour les protagonistes ...
Evidemment, comment parler de The Grand Budapest Hotel sans en évoquer le casting ? On peut lui reprocher certaines apparitions trop éclaires, comme celles de Léa Seydoux ou d'Owen Wilson, mais qu'il est bon, à chaque nouveau plan, de s'écrier le nom d'un acteur qui nous est cher. Et cela va de Edward Norton à Jeff Goldblum en passant par Jude Law ou Willem Dafoe. Un casting rêvé donc, mêlé à une superbe réalisation, qui se traduit par les choix de format d'Anderson qui balance entre le 4/3 et le 16/9.
The Grand Budapest Hotel paraît évidemment être un excellent point de départ à la découverte d'Anderson. C'est un concentré de ce que ce dernier sait faire, et il témoigne d'une implication gargantuesque. Chaque plan transpire Wes Anderson, autant que Monsieur Gustave sent le parfum. On se retrouve plongés dans un monde à part, où le bruit des bombes et des horreurs de la guerre semble ne pas avoir pénétré. Nous nous retrouvons décalés dans un monde lui-même décalé où vivent des personnages hautement plus décalés. Et c'est ce décalage entre l'horrible et l'incroyablement comique qui fait de The Grand Budapest Hotel une référence comique.