Le cinéma d'Anderson n'est pas accessible à tout le monde, et son nouveau long-métrage le prouve à nouveau. Les décors et l'esthétisme lisse et parfois superficiel, ainsi que l'humour présent dans ce film pourront déplaire à plus d'un, jusqu'à la migraine. Pour ma part, j'ai plutôt apprécié, et cela est dû surtout à l'univers totalement décalé du film. En tout point le film offre différents niveaux de lectures accompagnés par l'aisance technique du réalisateur, calculant au millimètre près son cadre, utilisant différentes techniques comme le travelling, le zoom( parfaitement maîtrisé), mais aussi d'autres bien plus inventives. La mise en scène est jouissive, le visuel inventif (peut-être juste un peu trop coloré) , les parti-pris du réalisateur atypiques, rendant l'atmosphère du film enchanteresse. On reste béat face à temps de beauté. La thématique de la filiation, vue par le prisme de l'enfance, chère à Anderson est ici laissée de côté pour nous offrir une vision plus adulte. En effet, la relation entre Mr Gustave et son lobby boy varie entre deux chemins, l'un se dirigeant vers une forme de compassion, instaurant un climat d'amitié entre les deux personnages; et l'autre vers la notion d'apprentissage, enrichissant l'esprit naïf de l'élève( le lobby boy) sous les bons conseils de son mentor. La violence du film est représentée de façon assez abrupte, traduisant une nouvelle maturité dans la narration jusqu'ici enfantine du réalisateur, parsemant le film d'une tension latente, d'un danger qui guette, survolant la mélodie andersoniènne tel un requiem. Mais l'apothéose lyrique est la décadence même qui se dégage du nouvel Anderson, mêlant à son scénario une ambiance festive, alternant un rythme soutenu et entraînant avec une touche de poésie se référant à la psychologie des différents protagonistes. Cette aventure prend parfois des allures de road movie, avec des personnages croisés tous plus fantastiques les uns que les autres. Car c'est aussi une force du film, l'écriture et l'épaisseur prêtée à chaque personnage s'accompagnent d'une véritable jouissance à chaque nouvelle apparition. Tous sont parfaitement interprétés, et aucun ne se ressemble, chacun apporte un côté théâtral à cette cacophonie, saupoudré par des dialogues inspirés mêlant caquetages de basse-cour à un véritable opéra de répliques croustillantes. La fabuleuse partition d'Alexandre Desplat, qui se marie parfaitement à l'univers du film, lorgne vers ce côté balkanique, slave, ses notes parfument les différentes péripéties de nos deux acolytes d'une mélodie rythmée, donnant même envie de danser. Seul petit bémol : le côté parfois trop léché de la mise en scène, qui flirte avec un esthétisme certes soigné mais qui, à trop en faire, peut devenir indigeste, notamment par l'abus de couleurs aveuglantes. Le ton est aussi à certains moments beaucoup trop rapide et surchargé, ne laissant que peu de place à la réflexion, ce qui peut gêner et même décontenancer le spectateur jusqu'à l'égarer dans les méandres du scénario. Certains personnages sont regrettablement délaissés, malgré leur potentiel, ce qui est dommage lorsqu'il sont interprétés par des acteurs de talents comme Bill Murray, Owen Wilson, ou encore Edward Norton. D'ailleurs les acteurs sont tous très bons, en particulier Ralph Fiennes en personnage au caractère saugrenu, caricatural à souhait, mais touchant; ou bien Adrien Brody en salaud égocentrique, ou encore Willem Dafoe en tueur psychotique. "The grand Budapest Hôtel" est donc une réussite grâce à son originalité, et à sa finesse scénaristique, apportant une certaine fraîcheur comique, représentatif du décalage complet de son univers. Je le conseille donc à tout amateur d'expérience cinématographiquement incongrue et iconoclaste.

Créée

le 16 avr. 2014

Critique lue 293 fois

Jogapaka

Écrit par

Critique lue 293 fois

D'autres avis sur The Grand Budapest Hotel

The Grand Budapest Hotel
Sergent_Pepper
8

Le double fond de l’air est frais.

Lorsque Wes Anderson s’est essayé il y a quelques années à l’animation, cela semblait tout à fait légitime : avec un tel sens pictural, de la couleur et du réaménagement du réel, il ne pouvait que...

le 27 févr. 2014

232 j'aime

23

The Grand Budapest Hotel
Veather
9

Read My Mind #2 : The Grand Budapest Hotel

Ami lecteur, amie lectrice, bienvenue dans ce deuxième épisode de RMM (ouais, t'as vu, je le mets en initiales, comme si c'était évident, comme si c'était culte, alors qu'en vrai... Tout le monde...

le 8 sept. 2014

175 j'aime

51

The Grand Budapest Hotel
guyness
9

Anderson hotel

Comme tout réalisateur remarqué, Wes Anderson compte quatre catégories de spectateurs: les adorateurs transis, les ennemis irréductibles, les sympathisants bienveillants et, beaucoup plus nombreux,...

le 28 févr. 2014

157 j'aime

68

Du même critique

Exodus - Gods and Kings
Jogapaka
4

Le retour perdant de Ridley Scott au Péplum !!!

"Exodus" signe le retour de Ridley Scott, 14 ans après "Gladiator", au genre qui avait donné un second souffle à sa carrière, le Péplum. Genre exploité rarement dans le cinéma contemporain, Scott...

le 20 déc. 2014

10 j'aime

5

Quand vient la nuit
Jogapaka
7

C'est du bon, c'est du belge!!!

Après le très bon Rundskop, Michael R. Roskam nous offre cette fois un film noir outre atlantique. "The Drop" est adapté du roman "Animal Rescue" de Dennis Lehane ( c'est à lui que l'on doit "Mystic...

le 28 sept. 2014

10 j'aime

Pour l'éternité
Jogapaka
6

Une formule qui s'éternise

Alors que nous vivons des temps tout à fait inédits, le cinéaste suédois, Roy Andersson, revient au cinéma avec un projet qui rappelle ses précédentes œuvres... peut-être trop même En ces heures...

le 17 août 2020

7 j'aime