Les films de Wes Anderson, après consommation, me laissent toujours un arrière gout de friandise. L'affiche du film, avec son Hôtel gâteau géant, annonçait avant la projection les velléités sucrées et gourmandes de l'édifice. Wes Anderson est avant tout un peintre. Les plans comme les décors sont pensés comme des tableaux dans lesquels évoluent les personnages. Même les mouvements de caméra, vifs et unidirectionnels, participent à cette immersion, transformant le spectateur en lecteur de bd. Il y a une certaine parentée avec Buster Keaton : vitesse et mélancolie.
La maitrise stylistique de M. Anderson n'étant plus à démontrer, qu'en est-il de l'histoire et des personnages.Le scénario enchaine les moments burlesques avec les scènes de profonde mélancolie. Véritable narration protéiforme, on se laisse happer par le rythme frénétique. Souvent à la limite de la digression, Wes Anderson réussit toujours à recadrer sur son personnage central, le croustillant M Gustave. Car le centre du film, c'est bien lui. Moustachu dandy, tiré à quatre épingles, capable de placer les mots délectable et merde dans la même phrase, cynique, téméraire, rêveur. Attachant et déroutant, sa personnalité contrastée est mise en valeur par le procédé narratif de la voix off, celle de son lobby boy, Zéro Mustafa. Zéro, comme son nom l'indique, n'est que l'ombre de M. Gustav, une ombre effacée mais qui lui permet de s'épanouir et de s'évader de sa propre solitude.
Pour le reste du casting, c'est un florilège de seconds rôles souvent évanescents mais qui restent tatoués sur la rétine malgré leurs passages fugaces. A part chez Soderberg, j'ai rarement vu une telle concentration d'acteurs connus et reconnus. Un luxe certes, mais un vrai plaisir de cinéphile.
Bien sur, on pourra toujours reprocher au film son manque de profondeur, son tape à l'œil clinquant et ses acteurs vedettes sous employés. Mais lorsque la fin est arrivée, le plaisir était là, puissant, après une longue et douce ascension. Et comme avec un bon gâteau, une fois la première part engloutie, on ne désire qu'une chose : se resservir...