Comme souvent au département marketing des plateformes de streaming, on aime beaucoup persuader le public qu'on vient d'inventer la roue. Tout comme Get Back pour les Beatles qui explorait à nouveau des rushes réalisés pour le documentaire Let It Be, ici on reprend ce qui a servi pour un bon documentaire des années 80 intitulé The Story Behind the Song et introduit par Jane Fonda.
Il y a eu une volonté d'introduire une narration très moderne et accrocheuse à ce film Netflix projeté au festival Sundance et ça marche super bien.
Ça romantise la création et les faits à fond, mais le réalisateur a parfaitement compris qu'avec un sujet aussi fort que la création du tube We Are the World, il y avait de la matière pour nous vendre du rêve. Il faut bien dire que l'industrie musicale est si différente aujourd'hui qu'un tel événement ne pourrait plus se reproduire.
J'ai eu l'impression de revoir The Story Behind the Song mais en plus long, paradoxalement plus rythmé et globalement plus sexy. Nous sommes une majorité à aimer que l'on nous raconte des histoires vraies qui ont quelque chose d'incroyable, et la création et l'enregistrement de We Are the World sont des histoires hors-normes.
Les différents artistes, bien qu'ils soient des superstars, montrent tous un côté humain qui nous capte immédiatement. Leurs moments de doute sont capturés avec aisance pile quand il faut par le caméraman présent sur les lieux et c'est très surprenant, même en ayant déjà vu le documentaire précédent parce que le rythme est mieux géré ici. La facétie de Stevie Wonder, la fatigue de Bruce Springsteen, Bob Dylan qui est totalement paumé, savoir Al Jarreau éméché, voir Michael Jackson en petit élève studieux et discret, la frustration légitime de Sheila E. ou encore Quincy Jones sous pression : tout ça donne assez vite la banane, l'envie d'aller chercher du popcorn pour voir comment tout cela va se dérouler avec une attention totalement focalisée sur ce qu'on regarde. Lorsqu'on ajoute tous les rebondissements de la nuit d'enregistrement et les propositions à la noix des différents participants pour améliorer la chanson, c'est encore plus fort. Si je parlais précédemment de romantisation de la création, c'est parce que la musique ce n'est pas que du talent mais aussi beaucoup de travail. Il ne suffit pas de dire "tel musicien est trop fort", "tel ingé son savait quoi faire" ou "le reste de la chanson est venu naturellement" pour que ce soit vrai. Des fois on se loupe, on reste insatisfait de ce que l'on produit, on rencontre des couacs techniques, et tout ça représente une proportion finalement assez légère du documentaire.
On pourra toujours trouver des choses à redire car le documentaire évince pas mal de choses finalement. Alors pour ceux qui en redemanderaient après avoir vu ce film, je vais en lister quelques unes.
Le morceau ne semble pas avoir traversé le temps quand on regarde le film alors que deux nouvelles versions ont été enregistrées en 2010 pour Haiti. Même si elles n'ont pas été d'immenses succès, ça existe et ça valait le coup d'en parler. L'implication de John Barnes dans la composition du morceau est passée sous silence. L'idée de la publication d'un album complet avec des inédits de quelques artistes impliqués dans le projet USA for Africa pour gonfler les recettes et ne pas se contenter d'un single n'est pas évoquée non plus, un album qui n'est officiellement toujours pas disponible sur les plateformes de streaming d'ailleurs. En tant que fan de Michael Jackson, ma grande frustration avec ce film c'est qu'il n'élucide pas le mystère de la maquette de We Are the World sortie dans le coffret The Ultimate Collection en 2004. Le son est résolument moderne et la voix de Michael parait beaucoup plus récente et ça m'a toujours perturbé de ne pas pouvoir dater cette version.
Bao Nguyen a fait du bon boulot en captant ce qui allait plaire au grand public actuel avec cette histoire et il est parvenu à faire un film passionnant.