The Greatest Showman raconte l’histoire de P.T. Barnum, qui au XIXème siècle a monté le premier Freak Show. Le film choisit une approche de drame musical, avec un côté léger qui me fait pas mal penser à du Disney. De ce point de vue, les libertés prises avec la vérité historique ne me dérangent pas trop.
La réalisation de Michael Gracey est loin d’être mauvaise, s’efforçant autant que possible à nous montrer un show baroque à la Barnum. Pas une mauvaise idée, mais parfois un peu fatigant. Dans l’ensemble les décors, les lumières et les costumes sont réussis. Seul gros bémol : les effets spéciaux qui piquent vraiment les yeux. Ça se veut stylisé, mais c’est juste moche.
Écrit par Jenny Bicks (qui a écrit principalement pour la télé, en particulier pour Sex and the City) et Bill Condon (Chicago), le scénario n’est pas bien construit je trouve. La mise en place de l’histoire, dans le premier acte, va à 100 à l’heure et part dans tous les sens : son enfance, la mort de son père, la rue puis les chemins de fer, Barnum revient chercher son amour d’enfance, ils se marient, ils ont deux filles, il se fait virer de son job, il manipule un banquier pour avoir un prêt, il monte un musée, il le transforme en freak show et j’en passe… Sans compter les chansons, omniprésentes. Après un deuxième acte plutôt intéressant, le troisième, lui, semble anecdotique.
D’un claquement de doigts ou presque, Barnum se rend compte qu’il se fourvoyait, tout le monde lui pardonne instantanément son comportement de connard et “business as usual”, si ce n’est pour un passage de témoin très forcé.
Heureusement, le film reste plutôt bien rythmé et on ne s’ennuie pas. D’ailleurs, les chansons, sans être incroyablement bien écrites, sont entraînantes et décemment interprétées et chorégraphiées. Ça se répète quand même pas mal au bout d’un moment.
Le fond du film, lui, tourne autour de deux éléments très intéressants : le personnage complexe et polémique de P.T. Barnum et le phénomène des freak shows aux États Unis —et sa nécessaire réflexion sur la normalité—. Malheureusement, le film échoue complètement à nous présenter quelque chose d'intelligent sur ces deux points.
Premièrement, les Freaks ne sont représentés que par le prisme de leur difformité. Alors certes, on nous explique que c’est pas bien de se moquer des différences, mais d’un autre côté, on ne nous donne aucun élément pour les humaniser : ni background, ni personnalité. Ironiquement, The Greatest Showman exploite leur image de la même manière que P.T. Barnum : faussement humaniste, presque cynique. Bonjour le contresens !
Secondement, sans être vraiment mauvaise, la prestation de Jackman n’arrive pas à rendre correctement de la complexité du personnage de Barnum, présenté comme très ambigu —dommage car il y avait de la matière, même si la vérité historique n'est pas une priorité dans ce film—. À moins que ce ne soit tout simplement du à l’écriture, d’autant plus que les autres personnages sont simplistes. Les autres acteurs s’échelonnent du correct (Rebecca Ferguson) au mauvais (les enfants en général) en passant par le fade (Efron et la plupart des Freaks).
Bref, The Greatest Showman est un film musical à la forme correcte sans être extraordinaire, et au fond très mauvais quand bien même il tente de traiter d’un sujet pour le moins complexe et plutôt sensible. Mais bon, ça reste divertissant.
Comme musical, on préférera le Chicago scénarisé par le même Bill Condon. Et même, dans un style aux antipodes et si on veut vraiment se pencher sur la fascination du XIXème siècle pour les freaks, le classique Elephant Man de Lynch.