Un jour de Noël, le trisaïeul de Groot en mode chevalier déboule à la Table Ronde avec un petit jeu à proposer : celui qui l'affrontera et sortira potentiellement vainqueur de ce duel devra le retrouver dans un an pour subir la même blessure mortelle ou non qu'il se verra infligé. Ni une, ni deux, le jeune fêtard Gauvain y voit là un parfait moyen de faire ses preuves et décapite l'homme-arbre à l'aide de la lame de son roi. Problème, Arrière-Papy Groot n'a visiblement aucun mal à se remettre d'un arrachage de tête et repart en riant déjà de son rendez-vous prochain avec le sauvageon.
Un an plus tard, Gauvain ne fait pas le malin et part tout tremblant pour un long périple à la rencontre de celui qui pourrait être son futur bourreau...
Enfin vu ! Et l'attente valait la peine de l'expérience procurée. Bon, déjà, je suis archi-fan de David Lowery et, encore une fois, dès la beauté à se décrocher la mâchoire des premières images, j'ai été récompensé par la maestria de la mise en scène et la direction artistique de cette fable moyenâgeuse abordée avec le réalisme de cette époque tout en faisant côtoyer le fantastique au spleen de ses personnages finement repensés pour l'occasion. La partie introductive du long-métrage (la période pré-quête) m'a littéralement happé, j'ai vraiment eu un sentiment d'immersion totale au point que les 40 premières minutes m'en ont paru durer à peine une dizaine en compagnie des excellents Dev Patel (Gauvain), Alicia Vikander (Essel), le voleur de scènes Sean Harris en roi Arthur sur le déclin ou la voix aux effluves de whisky 100 ans d'âge de Ralph Ineson dans le rôle du fameux Green Knight. Bref, les yeux sans cesse habités par une galerie continue de scénographies absolument sublimes en leur genre (une qualité qui ne fera jamais défaut au film), j'étais prêt à prendre le rôle d'écuyer-spectateur de l'ami Gauvain pour l'accompagner dans sa quête et en comprendre la finalité.
Je ne suis pas du tout familier du récit adapté et, dans un sens, tant mieux, car, fait rare aujourd'hui, "The Green Knight" nous place dans la même ignorance que son héros au sujet des différents tests rencontrés sur sa route et au sens à leur donner tant que nous n'avons pas la toile de fond dans son ensemble. En ce sens, c'est un véritable film de quête au sens noble du terme que nous vivons en même temps que Gauvain, une forme de conte initiatique dont les contours ne cessent de se redessiner à chaque étape de ce voyage pour dépasser la chair de ses personnages et atteindre des notions bien plus allégoriques, cela passe évidemment par un symbolisme exacerbé qui demande à être interprété avec au moins autant d'intelligence avec lequel il a été pensé. J'ai adoré ce parti pris, ce serait présomptueux de ma part de proclamer que j'ai tout saisi au premier visionnage dans le décryptage que ce film aux relents quelque part "lynchiens" demande à chaque épreuve de Gauvain et je serai également incapable de dire ce qui est tiré de l'écrit original face à ce que Lowery y a apporté comme sous-textes supplémentaires, mais ce que je pense y avoir déjà décortiqué enrichi considérablement le principal moteur de ce périple. En fait, c'est paradoxalement ce dernier que je trouve le plus "faible" dans "The Green Knight", je m'explique : j'aime beaucoup le fait que ça se place logiquement dans la continuité de la thématique de "A Ghost Story" dans le cinéma de Lowery avec l'acceptation de la fatalité de son sort (je résume vite volontairement) mais, une fois que le film le laisse fortement présager par quelques dialogues appuyés (je pense notamment au discours tenu par un personnage de Alicia Vikander) et le traduit plus frontalement à l'écran dans sa dernière partie, je ne le trouve jamais aussi fort que lorsqu'il nous maintenait dans les mêmes interrogations que son héros dans sa phase de découverte. Même si les embûches du voyage en exaltent considérablement la portée (et redécouvrir le film dans quelques temps le fera encore plus, à ne pas en douter), la destination pourtant non dénuée d'idées pour se révéler à nous a quelque chose de plus faible dès lors que son aura de mystère est évacuée.
Cela dit, cela n'enlève rien au caractère toujours aussi unique que je trouve au travail de David Lowery ("A Ghost Story" reste néanmoins mon favori de lui), de telles propositions hors-normes couplées à un visuel tutoyant la perfection ne peuvent qu'emporter mon adhésion. Et mon admiration.