Holy mother of phoque.
A la toute fin du film, je suis resté abasourdi dix secondes en réalisant que l'immense majorité des gens allaient détester ce film de tout leur être. Il y a un type qui a laissé échapper un vague gloussement dans la salle, genre "Putain, il faut avoir du pénis en quantité industrielle pour nous prendre cavalièrement comme ça". Le reste de la salle était pétrifié, du type "Mais il vient de se passer quoi, là ?". D'habitude les gens sortent appaisés ou en furie, là c'était juste un silence assommé.
Le truc, c'est qu'on est plus prêt pour des machins comme ça. On s'est habitué à la trame narrative normale. Présentation du héros, présentation du problème, défi du héro, victoire du héro, petite scène pour boucler la boucle et générique. Pour être bien honnête, Star Wars premier du nom faisait déjà exactement ça bien avant la putasserie (recyclable à l') infinie qu'est Marvel, avec la petite scène ou tout le monde fait face à la caméra à la fin du film. C'était cinématographiquement parlant l'équivalent de masturber le spectateur vite fait bien fait pour dire "Et voilàààààààà". On était content de soi et on rentrait chez soi des étoiles dans les yeux, parce que la façon conventionnelle de raconter une histoire avait été respectée. Introduction, développement, apothéose, atterissage en douceur. C'est prévisible, ça rend le spectateur heureux et satisfait, on a troqué son pognon contre un petit susucre émotionnel. Propre et net. On a écrit des analyses purement cinéma en quantité sur la question, mais aussi d'autres sur les récits épiques fondateurs tels que Gilgamesh, la Gènese et j'en passe.
Le genre d'histoire paquettée pour des adultes de 40 ans dont les poches contiennent plein de pognon mais dont l'esprit est resté coincé sur leurs quinze ans qui ont été les meilleures années de leur vie. Des gens pas du tout prêt à affronter les possibilités de leur fin de vie et qui ont définitivement intérêt d'avoir une bonne cave à vin pour faire face. Pré-digéré et pas trop questionnant, histoire de repartir joyeux et non avec une angoisse existentielle.
Du coup, quand Green machin à commencé j'ai eu un peu d'incrédulité. Je me suis dit ok, les plans un peu dégueulasses et quelconques par-ci, par-là, c'est un manque de budget ou de talent ? Et au fur et à mesure que le surnaturel déboulait dans le film je me suis résigné à voir un téléfilm ambitieux, mais téléfilm quand même. D'accord, c'est edgy et tout, mais ça fait un peu pitié quand même quand t'as l'impression que c'est une caméra bien ordinaire qui suit le protagoniste dans le brouillard et que c'est filmé comme ma vieille mère avec son iFouine. Même Endgame est moins misérable visuellement que ne l'étaient Captain America et le premier Avengers avec Loki, là. Même eux, ils ont réussi à se donner un genre de signature visuelle qui fait que tu peux te rattacher à l'image quand ton cerveau est trop peu alimenté par tout le reste en te disant que le plan avec toutes les filles-héros à la fin de Endgame, là, ça vient juste souligner que toutes ces gonzesses sont à l'arrière-plan en temps normal et qu'il faut forcer comme un gars atteint de constipation au stade terminal pour y voir un signe du progrès de la femme dans la société. Comme le plan est cool et que les filles sont jolies, tu peux faire "Waaa" sans réaliser qu'en fait on vient ironiquement de réduire huit femmes en copies avec moins de succès et d'exposition individuelle dans les films que les trois hommes virils qui ont ouvert le bal en affrontant Thanos tout seul. En musique la blanche vaut peut-être deux noires, mais au cinéma trois blancs valent largement plus que huit femmes combinées. C'est aussi ça, le pouvoir de l'image, et c'est ce que choisit d'envoyer paître joyeusement Le chevalier vert : fuck l'image, ce qui compte c'est le propos, et le propos c'est Gavant n'a pas l'air du parangon de vertu absolu du poème du même nom, mais plutôt d'un jeune adulte classique du 21e siècle qui voudrait faire quelque chose de sa vie sans savoir exactement quoi ou comment.
J'avais beau apprécier l'histoire et la trajectoire, le visuel et les choix narratifs du visuel menaçaient de casser le truc une scène sur deux. Et du coup donc, je suis resté entre "Manque de talent, de temps ou d'argent ?".
Le truc qui m'a mis la puce à l'oreille, c'est que Gawain n'a jamais vraiment progressé en tant que personne dans l'histoire. C'était soit très maladroit d'ignorer la notion de progression du personnage dans l'histoire qui est l'archétype absolu de la quête initiatique, soit autre chose malgré le fait que la réalisation ne semble pas révéler un génie créatif, mais quoi ? Quand j'ai réalisé à un moment qu'il y avait eu en tout et pour tout deux coups d'épée à l'écran pendant le film, j'ai réalisé que je m'étais bien fait prendre à sec. En fait, ça doit bien être la représentation la plus fidèle des légendes Arthuriennes que j'ai jamais vu de ma vie. Évidement, le combat était entièrement intérieur et ça se montre mal sur un écran. Bien entendu l'intrigue en elle-même n'avait pas autant d'importance que le cheminement réel du personnage. Ce n'est pas la fin qui m'a flabbergasté, même s'il fallait quand même être un sacré psychopathe pour oser un truc aussi abrupt et insatisfaisant pour le lexique cinématographique classique de ce genre de films. Non, le truc qui m'a déchiré, c'est qu'à tout points de vue c'est réellement le truc le plus ajusté sur le sens réel de ce poème. Vraiment, à la fin du film, l'ensemble du voyage représente exactement ce que tout l'univers Arthurien à essayer de communiquer à ses contemporains, à savoir pas du tout la question de comment manier une épée et décapiter un paysan. A part le Perceval le Gallois de Rohmer - dans une catégorie à lui tout seul et qui doit laisser dans le même genre d'état le spectateur - je vois pas qui est allé aussi loin que ça dans son trip. Il y a bien les faux trailers amateurs de Obi-Wan sur YouTube il y a quelques années qui proposait ce genre de voyage intérieur, mais malgré l'effet boeuf qu'il a eu, on peut parier un petit 2$ que Disney n'ira pas là parce que c'est trop facile d'insérer deux ou trois ennemis bidons pour rehausser un peu les enchères, comme ce salopard de Peter Jackson n'a pas pu s'empêcher de la faire pour The hobbit.
Petit défaut, l'histoire est rarement contextualisée et les changements apportés (le but réel de la quête, la signification de certaines épreuves ou leurs origines) pas forcément signifiants. Pour l'apprécier il faudrait avoir visité la page wikipédia et trente articles liés sur les restes païens et la philosophie chrétienne de l'époque pour comprendre le but originel de l'histoire (Gauwin est un modèle de chevalerie pour la jeunesse, qui est humanisé par l'épreuve et démontré comme modèle par elle même quand il échoue, alors que dans le film Gauvin est une petite salope parfaitement représentative de notre époque qui est loin d'être convaincu d'avoir quelque chevalerie que ce soit dans le slip) et par opposition l'aspect contemporain du film présenté (Gauvin est appelé à grandir par l'épreuve ou au moins à se questionner sur le sens de son existence individuelle et unique). Du coup, les chasses perdent leur sens, la tentation charnelle aussi, les géants n'en parlons pas et le renard, au lieu d'être une métaphore de sa tentation, devient un artifice scénaristique. C'est con, mais c'est un film qui va nécessiter des connaissances préalables pour être vraiment apprécié (pour respecter la durée totale du film j'imagine).
Le but, c'est de passer un message comme diraient le Joker du Batman de Nolan et tous les gens qui hurlent après leurs ennemis (imaginaires) sur Twitter. Le message est un message d'intériorité, contrairement à tout le bruit de Marvel (et sur Twitter). Je n'en reviens pas qu'un mec se soit fait financer pour sortir ce film là, à mon avis il va se ramasser la gueule magistralement sur Senscritique et au Box Office. Je ne vois pas non plus dans mon entourage à qui en parler maintenant que la seule personne avec qui je pouvais partager ce genre de bordel est partie. Mais, crébondieu, je suis content que ça se soit fait, comme Valhalla Rising, Blade Runner 2049, Another Earth, Sonatine, Revolver ou Hanna. Ça n'a peut-être aucun intérêt pour personne de voir un type déambuler pendant deux heures dans les bois en se demandant s'il va aller se faire circoncire ou pas, mais quand on est soi-même sur le bord d'avoir des cheveux blancs qui poussent dans les oreilles, on a le droit de se réjouir un peu de voir des trucs qui osent sortir de la formule adulescente habituelle. La fin m'a éclairé sur le début. Je refuse d'aller écouter un tas d'interview pour comprendre le sens ou la vision d'un film. Il doit tenir debout par lui-même. Et là, à la fin, j'ai pigé que tout le bordel du début des plans un peu gnangna, des raccourcis visuel et du côté "rien à foutre de l'emballage" était un choix conscient pour un film qui a refusé de se perdre sur les trucs qu'on attend de lui (un duel avec les bandits, mettons, de l'esthétique professionnelle traditionnelle et j'en passe). Le chevalier vert prend un guignol très classique, très monsieur-tout-le-monde et lui demande, un peu brutalement "C'est tout ?"
Je ne le recommande à personne, ma note est personnelle. La plupart d'entre vous va se demander pourquoi elle a perdu son temps à regarder un film sur l'hébertisme : c'est un film sur le sens de ta vie, Simba. C'est important de te demander ce que tu veux en faire au moins une fois ou deux avant de crever, sinon tu risques d'être bien malheureux entouré de tes figurines d'Iron Man, parce que tu seras obligé d'admettre que tu n'as rien fait avec les forces qui étaient en toi et que, qui sait, avec un peu de couilles la vie aurait pu être très différente.