Gangsta Western !

• C'est fini ?


• Cet homme était recherché. Livrer son cadavre vous rapportera 5000$ pour votre église.


• Dans ce cas, pourquoi vous ne le livrez pas vous-même ?


• J'en vaux 10000.

The Harder They Fall de Jeymes Samuel est une production Netflix faisant référence aux traditions de la blaxploitation et des westerns spaghettis servis dans un grand spectacle qui se délecte des caricatures du genre pour nous en mettre plein les yeux via un pastiche libertaire tordant la réalité dans un esprit de style attractif et décomplexé. Les aficionados d'histoire de l'Ouest ont de quoi grincer les dents avec tous ces personnages principaux dotés des noms connus de l'histoire du Far West qui ne sont pas respectés, mais pour rappel cela n'a rien de nouveau car les westerns ont façonné à travers le cinéma de nombreux personnages réels avec de nombreux films qui n'ont pas respecté l'histoire de ceux-ci. C'est pourquoi, un peu d'indulgence et de compréhension, il ne faut pas prendre au premier degré cette aventure et la voir plutôt comme un élément détourné n'ayant aucun rapport avec la réalité offrant un western onirique à la faveur d'un divertissement décoincé. Une fan fiction certainement appuyée par une politique de représentation avec l'assujettissement des Noirs de l'époque via une ville d'esclaves affranchis de la servitude par les colonies blanches, mais le sous-texte ne prend à aucun moment le pas sur le film, préférant avant tout concentrer ses efforts au nom du divertissement dans un véritable western où s'entrecroisent les genres et les références pour offrir une chimère cocasse et jouissive.

Une expérience qui insuffle de la fraîcheur au genre en orientant son récit vers une histoire primitive de vengeance pleine de suspense qui au fur et à mesure va évoluer en développant des aspects mélodramatiques intelligents pour s'orienter vers une tragédie familiale entourée par une romance étonnamment mature sur un fond de violence accru qui vont façonner la mythologique de The Harder They Fall. Une histoire complète jouant sur les plus grands succès du genre avec une direction qui opte pour la désinvolture et le piquant par le biais d'un humour savant appuyé par des dialogues salés, mais aussi et surtout sur l'impact, la surprise et la cohérence avec des enjeux dramatiques et émotionnels intelligemment exploités durant une révélation finale qui va totalement transformer l'intention du récit. Simple, mais efficace !

The Harder They Fall possède une cinématographie époustouflante où chaque scène, chaque plan sont mis en scène dans un souci du détail sidérant à travers une exécution de style brillant qui offre une puissance cinétique à des décors imaginatifs. Les plans sont travaillés et intuitifs avec des tentatives artistiques efficaces magnifiant le cadre de l'image par une incursion novatrice effective dès les premières images, et plus précisément avec l'envoi du générique d'ouverture en format comics. La bande-son de The Bullitts est éclectique dans une mouvance pulp fiction anachronique offrant un contraste amusant sur des extraits de Jay-Z et de diverses artistes réellement fun avec du rap, du reggae, du blues-jazz et des imprégnations jamaïcaines. Une ballade musicale riche et varié venant bousculer les codes musicaux pour un tel genre conférant du caractère à une partition qui colle jouissivement avec les images novatrices du film. La chanson a une place importante dans le récit que les comédiens eux-mêmes entretiennent en chantant et en sifflant régulièrement des airs de manière crédible et limitée évitant une proportion comédie musicale.

Tu sais pourquoi je t'ai fait cette balafre ?
- Pour que j'oublie pas.
- Non. Je te l'ai faite pour te reconnaître quand tu te présenterais à moi. Nat Love, le hors-la-loi qui dépouille les hors-la-loi, l'ange de la mort qui traque sans pitié ceux qui l'ont offensé.

Vous voulez des fusillades ? Vous voulez du sang ? Alors accrochez-vous bien car The Harder They Fall est un plaisir sanglant qui enchaîne des séries de coups de feu et de coups de poing sur une violence impudente mais jamais indigeste avec un retour critique sur le façonnement de la violence qui engendre toujours plus de violence lorsqu'on l'entretient malgré toutes les raisons du monde. Sous un rythme de feu les flingues retentissent dans des gerbes de sang avec une stylisation toujours effective qui imprègne intelligemment les différentes chorégraphies dans de nombreux décors tels que : saloon, train, ruelle poussiéreuse, grande plaine sauvage, désert en relief... offrant un contraste visuel hors pair que la bestialité des confrontations vient détériorer. Les balles fusent et les corps s'empilent, on en perd pas une miette. On se régale des nombreux duels percutants dont un corps-à-corps féminin particulièrement nerveux et jubilatoire.

Jeymes Samuel tire le meilleur parti de ses personnages mémorables avec un casting formidable regroupant des artistes comme Idris Elba, Zazie Beetz, Delroy Lindo, Regina King, Jonathan Majors, Deon Cole, LaKeith Stanfield, Damon Wayans Jr... qui incarnent des personnages légendaires ayant vraiment existé en tant que cow-boy Afro-américain comme Stagecoach Mary, Nat Love, Cherokee Bill, Bass Reeves, ou encore Jim Beckwourth. L'ensemble des personnages possèdent un traitement soigné avec une histoire traumatisante pour la plupart qui les ont poussée à devenir hors la loi.

Jonathan Majors incarne Nat Love avec élégance et charisme en tant que chef de gang spécialisé dans le vol de hors-la-loi qui voue une vendetta contre Rufus Buck (Idris Elba) et un amour fou à Stagecoach Mary (Zazie Beetz). Il est entouré du tireur d'élite Bill Pickett (en référence à l'acteur noir de spectacle du Far West) par Edi Gathegi, et de la gâchette éclair Jim Beckworth par RJ Cyler, qui sont tous deux convaincants. Zazie Beetz en tant que Mary est magnifique ! La comédienne est resplendissante et enchaîne avec aisance, élégance et percussion les séquences. Idris Elba sous les traits de Rufus Buck (référence au nom d'un gang amérindien hors-la-loi dont les membres étaient des Indiens Creek et des Afro-Américains) est démentiel ! Le charisme d'Elba est saisissant avec une imprégnation sidérante lorsqu'il incarne ce méchant qui jamais ne tombe dans la caricature avec une approche instable et impitoyable du personnage qui néanmoins désarçonne par une touche de tristesse. Son monologue sur Napoléon est génial. Le gang de Rufus a également de quoi tenir en haleine avec la gâchette impitoyable Cherokee Bill par Lakeith Stanfield, et son bras droit Trudy Smith par une Regina King fantastique en tueuse impitoyable qui offre une dualité explosive à Zazie Beetz. On n'oubliera pas le retour très plaisant de Delroy Lindo en tant que maréchal Bass Reeves ainsi que la comédienne Danielle Deadwyler qui offrent de belles propositions.

CONCLUSION : ##

The Harder They Fall de Jeymes Samuel est un western pop de haut vol qui offre une véritable figure de style à la mode qui présente un concept fantaisiste, truculent et jouissif au cours d'un récit inspiré mais pas basé sur des événements réels. Une fan fiction techniquement irréprochable accompagnée par un casting très solide qui parle dur et qui frappe fort avec des séquences d'action aux chorégraphies percutantes, soutenues par des choix musicaux peu orthodoxes dont une cinématographie magnifique.

Un western traditionnel sauce blaxploitation percutant et débridé puisant sa force dans les plus grands succès du genre pour offrir un spectacle aussi riche que jouissif.

Tu as entendu parler de Napoléon ? Il a dit : '' Une puissance supérieure me pousse à un but que j'ignore. Dès que je ne lui serai plus nécessaire, une mouche suffira pour me renverser. Tant qu'il ne sera pas atteint, je serai invulnérable, inébranlable. '' Il savait exactement qui il était. La morale de l'histoire, il savait que son heure viendrait.