Difficile de classer ce film de Stephen Frears.
Le générique montre un homme de dos à côté d'un calvaire au sommet d'une montagne contemplant un beau paysage sous une belle musique d'Eric Clapton avec Roger Moore. Il démarre comme un thriller par les préparatifs (pépères) d'un hold-up qui doit (probablement) tourner court puisqu'on se retrouve immédiatement dans un tribunal avec un des protagonistes balançant tous ses potes, en public, gagnant ainsi sa liberté.
Dix ans plus tard, ses anciens potes (balancés) commanditent deux tueurs pour aller récupérer l'indélicat (la balance) qui coule des jours heureux au sud de l'Espagne et, on suppose, pour lui faire son sort …
On se rend vite compte que rien de ce que je viens de décrire n'a d'importance, sinon de définir le contexte, puisque le film se transforme en un road movie à travers l'Espagne où les deux tueurs, l'indélicat et une femme kidnappée au passage s'observent, se confrontent, s'affrontent tandis que des flics espagnols les suivent à la trace durant leur périple avec néanmoins un petit temps de retard.
Bien que cette partie road movie soit filmée dans des paysages magnifiques et accompagnée d'une musique de Paco de Lucia sur des rythmes et mélodies de flamenco, le film tourne à l'étude de caractères et de personnages, comme dans un huis-clos (sur roues).
La "balance" ou "l'indélicat", qui est le personnage sans qui rien ne serait arrivé, est interprété par Terence Stamp dans un personnage de dandy devenu une sorte de sage dans son village espagnol. Il sait que la libération de ses anciens complices signifiera sa mort qu'il attend avec une sorte de sérénité et même d'ironie.
Mais ce personnage est largement occulté par le chef des deux tueurs venus l'arracher à ce paradis espagnol. John Hurt dans un rôle fascinant de tueur mutique, au bout du rouleau, qui semble ne cesser de se demander si ce qu'il fait vaut encore la peine ou pourquoi, bon sang, il a accepté ce contrat.
Surtout qu'il est pris entre trois feux : j'ai déjà évoqué la "balance" mais son jeune co-équipier dont c'est la première mission de tueur ne cesse de lui casser les burnes avec ses fanfaronnades, son babillage excessif, ses actions de jeune chien fou. C'est Tim Roth dans un de ses premiers rôles. Je le connaissais chez Tarantino et ne l'ai même pas reconnu ici … Ici, il représente une désormais lointaine jeunesse de John Hurt.
Et le troisième feu, c'est la fille kidnappée, bien sûr, interprétée par une pulpeuse Laura Del Sol qui représente la vie face à l'attitude mortifère des trois autres. La vie, celle qui ne demande qu'à s'épanouir
Spoiler : quitte à mordre …
Au-delà du débat pour définir un genre (polar (pépère), thriller (mou) ou road-movie), Stephen Frears a bien réussi à nous faire une belle et intéressante étude de caractères (réunis surtout pour le pire).