“The Hole” de Joe Dante, ou quand les sujets old school rencontre la réalisation contemporaine
Après le visionnage instructif et chaotique de « The Hole » réalisé par Joe Dante en 2009, proposé en 3D dans les salles équipées, j’en suis venue à l’ultime conclusion qu’un debriefing s’imposait.
Le film se présente autour d’un package publicitaire intéressant, voire très alléchant : une accrocheuse bande-annonce, une affiche énigmatique et franchement captivante et un pitch plus qu’attrayant. Et ceci n’est rien à côté du grand nom qui le réalise : Joe Dante. Un des masters of horror, un pionnier, qui nous a servi lors de sa carrière des perles du genre comme : « Piranha », « Gremlins » ou encore « The Twilight Zone ». Un visionnaire du genre, donc; qui a plus d’un tour dans son sac en matière de cinéma d’angoisse (plus spécifiquement) et qui a su mettre dans sa poche des outils non négligeables pour ce long-métrage : Mark L. Smith au scénario (peu de titres à son actif mais, malgré tout, les deux volumes de « Motel », pauvres en qualité niveau réalisation mais riches de sens strictement au niveau du scénario) et Theo Van de Sande à la photographie qui compte à son actif des titres prestigieux et un talent de longtemps reconnu : « Cruel Intentions », « Wayne’s World », « Grown Ups » ou encore un exercice bien difficile : « Volcano ». Qu’on se le dise, Joe Dante n’est pas un novice du cinéma et n’est pas une petite pointure du genre : « The Hole » cuvée 2009 (à ne pas confondre donc avec l’opus nommé « The Hole » de 2001, quoique belle réussite également) s’annonce sous des atours glorieux et armé d’une kyrielle d’atouts fracassants.
Bien sûr, et si ce n’était pas le cas, cet article ne se serait jamais nommé « Debriefing », le bilan tombe sous des aspects un peu moins glorieux mais pas catastrophiques non plus. Je m’explique, et ce, du début à la fin et de haut en bas :
L’AFFICHE DECRYPTEE
C’est bien sûr, au premier coup d’oeil, une affiche très « Dantesque » qui nous est présentée. Le titre nous fait front dans un bleu électrique, dans une police assez rétro mais qui nous est familière et n’est pas sans rappeler l’impact de celle de « Piranha » en 1978. La texture et la photographie de l’image se révèlent également potentiellement Dantesque dans le sens où un spot de lumière puissant tombe sur une trappe au sol en bois vermoulu enchaînée et cadenassée, le tout sur-contrasté et légèrement sur-exposé. A l’arrière-plan se profile un décor qui ressemble de près ou de loin à une cave en sous-sol (cqfd : escalier) à l’aspect peu accueillant. Se tient alors au dessus de ceci, la phrase d’accroche qui, elle aussi, ne manque pas d’attirer l’oeil et la curiosité du spectateur potentiel : « What are you afraid of? » (« De quoi avez-vous peur ? »). Une affiche qui fonctionne, donc, et qui suscite une réelle curiosité. Enfin, tout en haut de l’affiche nous pouvons découvrir, dans le mystère très matériel et très énigmatique de cette affiche fort bien réalisée, les noms des quatre acteurs principaux : Chris Massoglia (un newbie, qui a joué dans « The Vampire’s Assistant »), Haley Benett (qui compte maintenant à son actif de très bon films : « Marley & moi », « Kaboom », « Music & Lyrics » ou encore « Arcadia Lost » dans lequel elle joue le rôle de Charlotte), Nathan Gamble (que l’on a pu voir dans « Babel », « Marley & moi », « The Mist » ou encore « The Dark Knight ») et enfin Teri Polo (« Mon beau-père et moi », « Beyond Borders » mais aussi « 2:13 »).
Du beau monde, en quelque sorte; on s’attend concrètement à de belles surprises et à ne pas être déçus.
LE PITCH DECRYPTE
« A pair of brothers stumble upon a mysterious hole in their basement that leads to the darkest corridors of their fears and nightmares. »
(Deux frères tombent sur un mystérieux trou dans le sous-sol de leur maison qui mène dans le couloir le plus sombre de leurs peurs et cauchemars.)
Le pitch d’un film est peut-être bien l’élément le plus important du « package ». Il doit réussir à convaincre le spectateur potentiel en une ligne et UNE LIGNE seulement. Ce qui, à mon sens, relève toujours du plus grand défi d’une existence (tout du moins lorsque l’on se consacre au cinéma). Celui-ci, par exemple, est fichtrement captivant. Soyons tous honnêtes : après avoir vu l’affiche et lu le pitch, on a envie de savoir… QUEL EST CE TROU?
Et pour vous menez à cette réflexion, les créateurs du film ont usé d’éléments implacablement redoutables : « Deux frères », « mystérieux trou », « sous-sol », « couloir le plus sombre », « peurs et cauchemars ». Voilà les maître-mots de ce long-métrage qui nous guident vers une expérience cinématographique trépidante. L’accroche est faite, l’appât est lancé, allons-nous mordre à l’hameçon?
DEBUT DE SEANCE
Malheureusement, le début du film se présente de manière assez conventionnelle, une présentation de personnages assez pâle et assez classique, typique des films d’angoisse de même acabit. Nous découvrons donc une famille en prise à une crise assez prévisible : un déménagement, un jeune garçon ayant envie de s’amuser, un adolescent perturbé d’avoir quitté New-York, la ville et ses amis et de se retrouver coincé dans une ville retirée de tout, ayant manifestement des problèmes de communication avec sa mère et refusant de s’infantiliser avec son petit frère. Vient ensuite l’élément complice : une jolie jeune fille vivant dans la maison d’à côté, Julie, qui va évidemment plaire au jeune homme mais aussi intéresser le petit frère avide de connaissances. A la suite de cela, nous touchons enfin au vif du sujet, les deux frères en dispute découvre par hasard une trappe mystérieuse dans leur sous-sol et décide de l’ouvrir : à l’intérieur, ils découvrent un trou noir sans fond et décide, avec l’aide maladroite de Julie, de découvrir les secrets de celui-ci.
C’est assez banal pour un début et pourtant, la découverte de ce trou parvient à éveiller la curiosité du spectateur (même averti). Avec avidité, on poursuit. Mais pour le bien des spectateurs qui n’auraient pas encore vu le film, je ne dévoilerai pas la suite du film.
LES PERSONNAGES
Dane
L’adolescent assez typique des films d’horreur : en conflit avec sa mère, voulant se mettre en retrait de son petit frère, désireux de séduire une fille qu’il trouve belle, se réfugiant dans sa passion le dessin et dans les échappatoires typiques des ados : lecteur MP3, ordinateur, chambre; relation chaotique et violente avec son père absent. Pourtant, on parvient à s’attacher à lui malgré tout et à le suivre dans cette histoire sombre grâce à la cohérence de ses actions auxquelles on peut, pour une fois, adhérer.
Julie
Julie est le personnage que je définirais de charnière, elle n’est qu’à moitié active dans cette histoire et fait plutôt office d’élément à la fois de perturbation et de résolution. Elle est comme un fil conducteur, un guide, un accompagnateur et permet toujours à la réalité de rester connecter dans la continuité du scénario. Un pilier intéressant, que l’on voit rarement dans les films contemporains et qu’il est assez plaisant de retrouver.
Lucas
Le personnage du petit frère est le personnage typique de l’enfant. Dans une histoire d’horreur, l’enfant est toujours soit le méchant, soit le plus sensible aux attaques et par conséquent, ces caractéristiques font de lui un personnage clé et essentiel. C’est à travers le visage de Lucas que ce trou noir prend vie et s’articule du début à la fin. Et s’il ne tenait qu’à moi de définir ce film, je dirais qu’il s’agit réellement d’un passage étroit entre le concept inhérent à ce trou et sa relation étroite avec l’enfant et sa conscience.
Catherine
Le personnage de la mère, au sein d’une histoire débutant dans un conflit familial reste toujours, pour moi accessoire et l’est dans cette histoire. Mise à l’écart de l’intrigue dès le départ par les deux protagonistes, le personnage de Cat ne fera toujours office que d’accroche au concept de « réalité ». Là où conscience et inconscience se mêle, il faut toujours trouver un raccord tangible pour ramener le spectateur à la cohérence du contexte et c’est précisément là que le personnage de la mère entre en jeu et également, pour affirmer son rôle omniscient et savant, à savoir qu’elle est celle qui peut apporter des éléments informatifs sur la vie des personnages et les rendre malléables.
Le Trou
Dans ce film, j’ai envie de citer le Trou comme un personnage à part entière et même si je ne peux explicitement expliquer pour quoi sous peine de gâcher le plaisir des futur spectateurs, il joue un rôle assez tapageur et mouvementé. Lunatique, varié, plein de ressources, ce Trou créer une dimension effrayante au sein du film, une sorte de parallélisme entre l’histoire de base et une autre histoire qui se crée entre nous et les personnages. Une force virulente qui m’a particulièrement séduite.
AU COEUR DE « THE HOLE »
Au final, « The Hole » est un film que je qualifierai de « Bon » qui puise ses forces dans des ressources fortes : la photographie, le cadrage, la réalisation, le scénario mais qui perd parfois de son intensité dans la validation de choix tangents : les thèmes, le point d’ancrage, la faiblesse du contexte, l’exploitation de clichés malheureusement beaucoup trop traités et le manque d’innovation et d’expérimentation. Tout cela n’entache en rien l’idée de base de Dante qui reste quand même une idée alléchante de bout en bout et ce Trou fascine, captive et abreuve la soif des spectateurs.
Au niveau de la 3D, les effets sont intéressants et bien placés et le film a d’ailleurs remporté quelques prix à ce niveau, à mon sens bien mérités. Cela dit, la version 2D ne s’avère pas moins bonne, tout du contraire, elle reste pleine de surprises et saisit tout autant l’esprit acerbe du spectateur.
A la réalisation (en étroite collaboration avec le cadrage), Dante est un expert et cela se voit. Ayant malgré tout, éminemment, un budget conséquent, il peut se permettre des moyens conséquents pour son film et ne lésine pas sur le perfectionnement de ses plans. Au final, on est ravis du produit que l’on regarde et on se laisse porter visuellement par la virtuosité des choix des cadrages qui nous sont présentés. De même pour la photographie de Van de Sande, on en reste littéralement bluffés, au niveau colorimétrique et étalonnage, c’est un travail de main de maître qui est abattu et les scènes les plus obscures sont les plus savoureuses. En revanche, petit bémol sur les effets spéciaux qui m’ont, beaucoup déçues, en vue du reste de la réalisation et des moyens qui ont été mis en place. Spécialement sur les vingt minutes de la fin, on sent une réelle faiblesse visuelle et de fait, la scène n’est pas portée vers le haut par ce travail que je dirai moyen, en vis-à-vis du reste. Le montage, quoique très linéaire, satisfait de manière correct l’ensemble et ne déçoit pas, sans pour autant se démarquer non plus. Le scénario, qui possède ses hauts et ses bas, obtient un bilan mitigé mais qui, je le crois, penche plutôt vers un avis positif. Beaucoup de clichés sont exploités et nous nous sentons malgré tout devant une oeuvre de fabrique estampée « Hollywood » et formatée mainstream mais conservant, heureusement, une part d’originalité et de frisson, cette petite étincelle qui parvient à sauver, moyennant le reste des efforts mis en place, ce film relativement astucieux.
LE MOT DE LA FIN
J’ai eu beaucoup de mal à fignoler mon avis sur « The Hole » et pourtant, je vous sers un mot de la fin biseauté aux quatre coins POSITIF et qui n’a qu’une recommandation à passer au devant : n’hésitez pas à vous lancer dans le visionnage du dernier Joe Dante, après plusieurs années d’absence, il nous est revenu (ENFIN!) avec un long-métrage très contemporain, qui souffre CERTES de ses lacunes hollywoodiennes (ne vous méprenez pas sur ce bellâtre d’adolescent en t-shirt The Killers) mais qui rattrape HEUREUSEMENT ses erreurs avec de judicieuses idées et des surprises habilement bien menées. Ce « TROU » pourrait bel et bien vous surprendre et même si, le générique de fin venu, vous ne serez pas à bout de souffle ou épaté, vous aurez quand même le sentiment de ne pas vous être ennuyé, d’avoir été aveuglé par une esthétique ravissante et surtout, de ne pas vous être fait roulé sur la marchandise.