Tuons la mère ! [attention spoiler alert]
Une famille de grands cinglés mène une vie un peu décousue sur les bords du fleuve Han à Séoul. Il y a le grand-père qui tente de faire tourner sa boutique, sorte de snack miteux où grillent des calamars sur un barbecue douteux. Ce dernier a trois enfants, une fille quasi mutique championne de tir à l'arc mais vraiment trop lente, un chômeur diplômé qui boit comme un trou et un narcoleptique, glandeur et paumé (Song Kang-Ho, génial, vu notamment dans Memories of Murder). Ce dernier a une fille d'environ 11/12 ans, la seule personne sensée du groupe. Il n'y a pas de mère, celle-ci s'étant enfuie à la naissance de l'enfant.
Un jour, un monstre mutant vient kidnapper la fillette.
Toute la famille unit ses forces pour la retrouver.
The Host est donc un film de « monstre » qui vient perturber la vie tranquille de la capitale coréenne. Mais pas que...
Car The Host c'est aussi l'histoire d'une famille un peu bancale qui doit faire face à un évènement inquiétant, totalement imprévu : le retour de la mère. Ici métaphoriquement représentée par une bête informe, d'origine inconnue, avec laquelle il est impossible de communiquer autrement que par la violence.
Il existe donc deux grilles de lecture pour ce film.
La première c'est le film d'action et d'humour (car oui, les Coréens en ont à revendre, cf la scène des pleurs devant l'autel des défunts !), en parfait décalage avec les productions américaines que l'on voit aujourd'hui. Une scène d'intro assez rapide, totalement efficace (et si on jetait des produits toxiques dans le fleuve sans aucune raison, check !) et surtout une présentation des personnages brossée en quelques plans avant l'arrivée de la bête qui est « montrée » dès les premiers instants du film. De l'action dans l'inaction. Le spectateur est surpris d'entrer si rapidement dans le cœur du propos. S'en suivent de superbes scènes avec des ralentis utiles, notamment celle du kidnapping à proprement parler. On peut regretter une faiblesse au niveau des effets spéciaux cependant qui rendent certaines séquences un peu ridicules (notamment avec le feu) et renvoient le film au rang des séries Z qui ne sortent qu'en cassettes vidéo mais bon... Le tout reste extrêmement efficace, rythmé et parfois burlesque.
Mention spéciale pour les scènes dans les égouts où la fillette est retenue en otage. Notamment celle, magnifique, où la petite (stupéfiante) tente de s'échapper de sa prison mais est retenue de justesse par la bête qui n'a quasiment pas besoin de bouger pour la stopper dans son élan.
La mère veille au grain pour que son bébé ne la quitte plus.
Car oui, ce que j'ai trouvé intéressant dans ce film, c'est cette seconde lecture beaucoup plus métaphorique. Je recherche rarement ce type de « seconde couche » dans les films de « genre », mais dans The Host, cela m'a sauté littéralement aux yeux. Je n'ai pas eu à y réfléchir beaucoup, c'est pour cela que je ne trouve pas cette analyse tirée par les cheveux. Le rapport à la mère disparue paraît en effet résonner dans plusieurs scènes. Notamment parce que le père, au début assez démissionnaire et à côté de la plaque, construit son identité tout au long du film en s'opposant à la bête.
Il voit son père le quitter (sublime scène aussi), totalement écrasée par la créature qui prend un malin plaisir, totalement gratuit, à lui éclater la tronche sur un coin de trottoir. Il prend également conscience de l'importance de sa fille dans sa vie et de ses responsabilités envers elle. Et il apprend à s'appuyer sur sa famille pour se hisser jusqu'à la place qui lui revient de droit, celle de tuer la mère. Non sans avoir auparavant assister, impuissant, à une sorte d'accouchement inversé où le monstre recrache l'enfant, inanimé. Bref, cela m'a paru assez limpide au premier visionnage et le second n'a que renforcé mon idée.
J'en veux pour preuve la toute fin du film où notre héros, devenu père responsable, éteint la télé du doigt de pied alors que passe le JT national où sont relatés faits et explications du drame survenu quelques mois plus tôt. On ne saura donc rien. De toute façon, le spectateur s'en fiche car la tragédie était beaucoup plus intime et son dénouement se déroule sous nos yeux.
Il neige.
Fin.