Hunter Games: Hunting for Columbine

Rarement un film m’aura laissé aussi interrogatif sur ses intentions réelles une fois les crédits terminés. Aux confins d’influences aussi diverses que Hunger Games, Battle Royale, Hostel, Paintball, Bowling for Columbine et même The Truman Show (côté grand écran) ou même Manhunt (côté jeu vidéo), The Hunt va en laisser plus d’un sur le bord de la route, c’est certain.


Si le point de départ (dès que l’intrigue début dans « l’arène », en gros) et le point d’arrivée sont convenus et attendus, tout le reste du film est en roue libre. Vraiment.


Soyons clairs déjà sur ce que le film n’est pas. Rien à voir tout d’abord avec un torture porn façon Hostel. Le film reste assez soft côté violence. A peine plus épicé que le très grand public Hunger Games. Les scénaristes ont peut-être des intentions subversives, ils n’en ont manifestement pas oublié l’impact d’une classification par trop restrictive aux Etats-Unis sur le nombre d’entrées potentielles.


C’est ballot parce que The Hunt est aussi l’histoire d’un film maudit. Initialement programmé le 27 septembre 2019 aux Etats-Unis (le 3 octobre 2019 en France), The Hunt a tout d’abord été déprogrammé à la dernière minute par Universal en raison des tueries de Dayton et El Paso ayant défrayé la chronique américaine à l’été 2019. Et alors que le film était -enfin- paré pour son grand soir le 13 mars 2020 aux Etats-Unis (le 22 avril 2020 en France), une chauve-souris, un pangolin et une pandémie de Covid-19 plus tard ont achevé à grands coups de pelle le destin commercial du film. ; Universal jetant même l’éponge en France et balançant directement son film sur les plates-formes de VOD.


Il n’est pas non plus tout ce que l’affiche prévisionnelle du film en France annonçait sans doute pour faire monter le buzz et la polémique : « le film qui a fait scandale aux Etats-Unis », « fou et malsain », « le film polémique », « une apologie de la violence ». En réalité, la seule affirmation appropriée et certaine sur cette affiche est sans doute « un film fait pour diviser ».


Qu’en reste-t-il alors ? Car passé le prologue aérien, la véritable scène d’ouverture laisse présager une sorte de clone falot d’un Hunger Games inversé (une mystérieuse caisse au centre de « l’arène » offre à tous les malheureux « candidats » une vaste sélection d’armes pour assurer leur défense et leur survie contre les chasseurs maîtres du jeu). Et pourtant, le spectateur est très vite pris à contre-pied et comprend qu’il ne doit pas se fier à ses certitudes. Et des contre-pieds, il va y en avoir (peut-être jusqu’à l’excès).


Pour le reste, au-delà du film de traque assez convenu dans son dénouement, le film semble hésiter entre plusieurs orientations. Tantôt film quasi-parodique (on lorgne parfois vers Scary Movie) qui ne lésine pas sur l’humour noir au second voire troisième degré. Tantôt satire au vitriol de la fracture de la société américaine entre d’une part, disons une élite bien-pensante bobo-démocrate et d’autre part, les rednecks bouseux (les « déplorables » dans la traduction VF sous-titrée) républicains (anti immigrés, homophobes, sexistes,…). Tout le monde en prend pour son grade et le film dézingue tout sur son passage. Le film est aussi une lourde charge contre les fake-news, les théories du complot qui engendrent elles-mêmes du fait divers bien réel. Même l’esprit de Michael Moore semble planer de temps à autre sur le film qui est pourtant tout sauf un documentaire.


Même le casting laisse songeur avec de quasi-parfaits inconnus (stéréotypes du genre) et la double oscarisée Hillary Swank dont on se demande ce qu’elle est venue faire dans cette histoire (galère ?) et ce d’autant qu’elle n’y joue finalement qu’un second rôle, aussi essentiel soit-il.


The Hunt est au final un véritable OVNI bien plus subtil et intelligent qu’il ne le laissait supposer au départ. L’expérience globale est loin d’être désagréable et même plutôt sympathique. Mais le film semble s’éparpiller dans toutes les directions sans jamais trop savoir à qui il s’adresse, ni quel est son message. Au final, l’on est jamais très sûr de savoir si l’on est devant un nanard décomplexé à gros budget ou devant une œuvre avant-gardiste étincelante d’irrévérence. Une des répliques relatives aux « chasseurs » n’a jamais parue aussi adaptée sur ce que l’on peut penser des scénaristes du film en se demandant s’ils sont « smart pretending to be idiots or idiots pretending to be smart. ». Et sans avoir une réponse très claire à la fin du film. A vous de juger.

marchiavel
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le 12 avr. 2020

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