"Close your eyes and think of something nice"
Telle est la phrase que l'on entend à deux reprises (si je ne me trompe pas) dans le film. La première fois, Maria, interprétée par Naomi Watts, prononce ces mots à l'encontre de son fils, qui n'arrive pas à dormir. A ce moment-là, le seul souci qui touche la famille n'est que de parvenir à trouver le sommeil. Ensuite, cette même phrase est prononcée par l'infirmière qui s'apprête à opérer Maria de la jambe. Evidemment, contrairement à son fils, qui lui, avait probablement pensé à de "jolies" choses pour s'endormir, la mère de famille n'en fait rien. Maintenant, les problèmes ne sont plus les mêmes. Il ne s'agit pas de trouvait le sommeil cette fois-ci. Non, Maria a tout simplement peur de mourir. Et dans la scène actuelle, cela revient à dire qu'elle a peur de s'endormir. Ce "Close your eyes and think of something nice" prend une toute autre dimension. Ainsi, puisqu'il convient de dire que lorsque tout va bien (c'est-à-dire au début du film), le jeune garçon écoute effectivement les conseils de sa mère pour s'endormir, dans le cas contraire, sa mère souhaitant ne pas s'endormir et donc ne pas mourir, ne pensera alors qu'aux moments éprouvants qu'elle a vécu. C'est ainsi qu'elle se remémore les quelques secondes précédant la catastrophe, puis les (durs) instants qui suivirent. On voit alors Naomi, bataillant sous l'eau, s'écorchant davantage à chaque seconde qui passe.. Le cinéaste espagnol utilise alors une symbolique assez grossière pour établir un parallèle entre les "souvenirs" de Maria et la situation dans laquelle elle se trouve actuellement. Si, une nouvelle fois, elle parvient à sortir de l'eau, elle parviendra également à se réveiller. Et cette scène, à défaut d'originalité, se révèle pourtant très forte. A ce moment-là, la salle était plongée dans un silence de plomb. Même le crétin qui était derrière moi et qui depuis le début de la séance passait son temps à se goinfrer comme un porc, à se moucher et à souffler de la manière la plus indiscrète possible, ne savait plus quoi faire. Cette séquence se conclue sur un ralenti de Naomi, sortant enfin de l'eau, semblant bénéficier d'un second souffle. Juste superbe.
Rassurez-vous, le reste de ma critique sera beaucoup moins détaillée. Donc, outre cette formidable séquence, d'autres se relèvent également de très bonnes factures. Au début du film, lorsque "tout va encore pour le mieux dans le meilleur des mondes", il n'y a pas grand chose à retenir, si ce n'est le lâcher de lanternes (skycandles en anglais) dans le ciel, qui est toujours un certain plaisir visuel. Là, l'un des 3 gamins relève que leur lanterne ne part pas du même côté que celle des autres: encore un effet moyen du réalisateur, façon de dire que la famille n'aura pas un destin semblable aux autres vacanciers.. C'est pas très inspiré.
Ensuite, lorsque le film débute réellement, autant dire qu'on en prend plein la vue pendant une bonne vingtaine de minutes. Pour ma part, je dois dire que l'arrivée du Tsunami sur la résidence où sont logés nos 5 personnages principaux, m'a filé des frissons pas possible. S'ensuit alors la vision d'un paysage apocalyptique. Tout est défoncé, détruit, mort.
C'est d'ailleurs ce qui m'a agréablement surpris dans ce film. C'est-à-dire que contrairement à ce à quoi nous pouvions nous attendre, le réalisateur n'édulcore rien. Il film la douleur, le pessimisme de la situation. Ainsi, juste après la catastrophe, Maria et son fils Lucas ont beau tout faire pour se sauver, c'est comme si la nature semblait s'opposer à leurs retrouvailles.
Autre point positif: les acteurs. Tout d'abord, Naomi Watts. Elle est juste excellente, mais ça ne sert à rien de s'attarder là-dessus, ça fait longtemps que ce n'est plus une surprise. Bayona a l'air d'avoir compris le capital sympathie que l'actrice pouvait générer. Et c'est sûrement pour cela qu'il prend un malin plaisir à la maltraiter (c'est pas non plus du Gainsbourg dans Antichrist, rassurez-vous). Car Naomi déguste tout le long du film, et notre cinéaste lui a d'ailleurs réservé la scène la plus choquante du film: celle où sur son lit "d'hôpital", elle vomit quelque chose qui ressemble à des algues. Le réalisateur a bien réussit son coup, j'ai trouvé ça super glauque. Et puis toujours à propos de Naomi, Bayona lui a également réservé un petit "passe-passe" scénaristique, allant jusqu'à la faire disparaître un bon quart d'heure, histoire de nous faire croire qu'elle a elle aussi finit par mourir. C'est pas gentil. Bayona est clairement un grand sadique.
Ewan McGregor est également très bon et très crédible en père de famille à la recherche de ses fils perdus, mais surtout de l'amour de sa vie. Dommage que l'histoire ne s'attarde d'ailleurs pas plus sur son personnage.
Enfin, il est juste impossible de ne pas évoquer les 3 gamins du film. Avec les gosses, c'est souvent du quitte ou double. Dans ce film-là, on ne peut pas leur reprocher grand chose. Dans le rôle de Lucas, Tom Holland s'affirme comme un acteur à suivre, car déjà bourré de talent.
Ensuite, comme vous l'imaginez, le film n'est pas parfait. Ainsi, je parlerai seulement des défauts principaux que j'ai pu lui trouver. Le défaut principal étant approximativement les 20 dernières minutes. A ce moment-là, les 5 protagonistes se cherchent dans tous les sens. Le suspens est malheureusement trop appuyé, et ne fonctionne pas vraiment, puisque l'on sait déjà comment cela va finir.
J'aurai également des reproches à faire au niveau scénaristique. Ainsi, plusieurs personnages sont incorporés dans l'histoire, sans être toutefois suffisamment travaillés, et disparaissent plutôt facilement. Je trouve cela dommage, notamment pour le personnage de Karl, qui me semblait assez intéressant, et touchant.
La fin n'est également pas un des moments les plus réussis. On verse hélas dans le gros happy-end. Et ce n'est pas en filmant le paysage ravagé que Maria entrevoit à travers le hublot de l'avion dans lequel la famille s'apprête à décoller, qui va arranger grand chose.
Autre défaut, mais qui cette fois ne concerne que moi, c'est au niveau du casting. En effet, bien que les 3 jeunes acteurs soient bons, on peut se demander si c'était obligé qu'ils aient tous des allures de futurs beaux gosses. J'étais pas comme ça à leur âge moi. Ceci dit, vu les parents qu'ils ont dans le film..
On pourrait également reprocher l'ajout de placements de produits un peu trop voyant, surtout pour Coca-Cola (même si ok, le Coca c'est trop bon).
Enfin, je suis assez partagé sur quelques éléments. Pour ma part, j'ai trouvé le film terriblement émouvant. Ceci dit, je m'interroge sur la volonté du réalisateur, car celui-ci semble tirer un peu trop facilement sur la corde sensible, la BO du film (que j'ai apprécié) n'arrangeant rien à l'affaire. Moi ça ne m'a pas gêné, mais sûrement que certains trouveront cela facile, et pourront se sentir froissés, et c'est assez compréhensible.
En résumé, le film n'avait pas pour but de raconter l'histoire de tous les naufragés de ce grand drame, mais seulement de cette famille. Et de ce côté-là, je trouve cela formidablement réussit. En témoigne mon appréciation du film qui ne cesse de s'améliorer au fil des jours.