The House of the Devil m'avait plutôt surpris, je m'attendais à tout sauf à ça en voyant les retours. Une série B au scénario sans prétentions, forcément limitée, mais mise en scène par un jeune réalisateur soigneux et désireux de retranscrire l'atmosphère des séries B VHS des années soixante-dix sans tomber dans le grand-guignol d'un Robert Rodriguez en lacérant la pellicule au râteau et en saturant le son comme si on entendait une vieille cassette sortie de l'estomac d'une baleine bleue il y a vingt ans et conservée comme cale porte chez mémé. Juste un filtre discret, quelques plops de son, un générique à l'ancienne et le tour était joué.
Et il poursuit dans cette veine avec cette histoire de fantômes dans un hôtel sur le point de fermer où les deux derniers employés, une jeune femme un peu dépressive et un geek désillusionné qui s'amuse à monter un site sur les phénomènes paranormaux pour passer le temps, se mettent à parcourir les couloirs avec du matériel d'écoute en quête d'aventure de l'outre monde.
Si The House of the Devil était un modèle de sobriété, qui faisait monter la tension avec absolument rien pour se lâcher dans les dernières minutes, Ti West adopte un ton légèrement différent avec The Innkeepers. Plus désinvolte, plus moqueur, avec de vrais jump-scares dont il semble se moquer gentiment pour mieux se ressaisir dans les vraies scènes horrifiques.
Il n'y a qu'à voir le premier screamer, tordant, ou le geek arrive hors champ dans le dos de la jeune femme qui regarde par une fenêtre obscure d'où semble avoir émergé un bruit étrange, et ne sait pas comment faire pour ne pas la faire sursauter, et finit par dire le plus calmement possible "Attention je suis derrière toi je ne veux pas te faire peur. Désolé." Comme une variante new-age de l'éternel pote qui sort de nulle part avec sa cohorte de violons pour dire bonjour. Ti West n'appuie jamais vraiment ces scènes, il préfère les rendre un peu amusantes pour se concentrer sur l'atmosphère sonore (impeccable), les apparitions invisibles ou hors champ, la géométrie de l'hôtel, un personnage un peu décalé... le jump-scare éventé de l'oiseau qui jaillit d'un recoin sombre en piaillant comme un damné est présent, mais la réaction du personnage à ce moment là est tellement tordante qu'on l'oublierait volontiers. A l'inverse, la surprenante scène d'écoute dans la cave qui joue à fond la carte de la suggestion marche du tonnerre, et les réactions des personnages sont tellement juste qu'on a envie d'y croire.
Faut dire qu'ils sont attachants les deux loosers de l'accueil, joués par Pat Healy, hilarant avec son air fatigué et ses yeux de cocker, et la magnifique Sara Paxton en paumée asthmatique un peu gauche, femme-enfant qui se persuade que la fantôme d'une certaine Madeleine O'Malley traîne dans les couloirs de l'hôtel. C'est sur ses épaules que le film repose, parce que la plupart du temps on ne voit rien. Les seules apparitions concrètes ne se déroulent que devant ses yeux, ou de la bouche d'une actrice ratée (Kelly McGillis, rôle quasiment autobiographique non ?) et médium qui lui sort des banalités qu'elle gobe sans réfléchir, au grand dam de son collègue. Et le film se déroule comme ça, mi-figue mi-raisin, peut-être un peu trop long mais étrangement attachant, avec un jeu sur les travelling qui donne des plans vraiment intéressants calqués sur ceux de Shining, à tel point que lorsque la caméra avance lentement dans un long couloir au fond duquel trône une photographie on s'attend juste à voir la fameuse image de Jack Nicholson, jusqu'à ce qu'au dernier moment la caméra bifurque malicieusement pour nous montrer tout autre chose...
C'est ça The Innkeepers, une petite série B sympathique, faite avec amour et moins formatée qu'elle en a l'air.