S'il y a une chose plus difficile à supporter que les films où l'on fait souffrir des enfants, c'est peut être bien ceux où les enfants sont eux mêmes des tortionnaires : il est difficile d'admettre, même si dans le fond nous avons tous des souvenirs personnels qui le corroborent, que l'enfance est loin d'être synonyme d'innocence. Le film d'Eskil Vogt, qui n'a rien à voir avec le classique de Jack Clayton, mais bien plus avec le Village des Damnés, se nourrit pleinement de cette profonde horreur que tout un chacun ira ressentir devant le spectacle de crimes perpétrés par des enfants de 10 ans, en particulier contre leurs parents et au sein de leur groupe. Rajoutez à ça un meurtre de chat, et vous atteignez un seuil d'insoutenable qui fera quitter la salle à certains spectateurs.
Le scénario de "The innocents" est joliment imprévisible, assez loin de ce qu'on voit d'habitude, même s'il peut être quand même rattaché au courant très commercial du cinéma de super héros et de super pouvoirs. L'intelligence de Vogt réside plutôt dans sa mise en scène qui dédramatise et dé-spectacularise les situations filmées, les noie dans une sorte d'atonalité paradoxale qui va, tour à tour, accentuer l'angoisse du spectateur et désamorcer son plaisir, puisque le film lui refuse systématiquement toutes les scènes qu'il attend. Ainsi le grand affrontement final entre les mutants constitue un antidote parfait aux niaiseries style "X-Men", ramenant le terrible conflit prévu littéralement aux dimensions d'une bagarre dans un bac à sable. Passant de plus totalement inaperçu aux yeux des adultes et de leur monde rationnel. Et ça, pour frustrant que ça puisse sembler, c'est drôlement malin !
[Critique écrite en 2022]