Quand on écrit une critique d'un film qui nous touche de manière démesurée, tellement démesurée que l'on aurait de toute façon du mal à persuader l'autre de notre bon sens, le résultat est toujours incertain. Quand en plus, l'oeuvre en question n'est pas ou peu appréciée par les autres, il n'existe que deux solutions. Prendre des pincettes, être conscient des défauts que soulignent les autres pour mieux défendre son bébé, ajouter la mention spéciale "à titre personnel" à toutes les sauces pour éviter les railleries ou tout simplement assumer. Assumer que l'on puisse ressentir les plans différemment, que l'on puisse trouver du crédit à l'histoire et une émotion telle qu'on ne la retrouve nulle part ailleurs.
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L'histoire d'une jeune femme et du célèbre Charles Dickens qui tombent amoureux. Cette passion devra rester secrète pour préserver les intérêts du célèbre dramaturge. L'amour se partage, mais le poids d'un secret aussi intenable est parfois bien trop lourd...
Le film de Ralph Fiennes (ici réalisateur et acteur principal) se tourne vers un pan de la vie de Charles Dickens. Mais ici, le romancier n'est qu'un prétexte et ces complexités, abordées des centaines de fois, deviennent intéressantes lorsque le cinéaste arrive à saisir des moments clés, des émotions captées lors de regards ou plans fixes qui viennent attraper les deux amants en plein vol. Nelly est cette femme invisible qui restera toutes ces années celle qui n'a pas le droit de se montrer avec l'amour de sa vie, celle qui doit vivre son entrée dans le monde des adultes aux dépends de Charles Dickens. Sans cesse dans son ombre, amoureuse mais désespérément seule, elle ne pourra jamais se défaire de l'égocentrisme que l'amour impose souvent.
La prestation du duo d'acteurs est purement et simplement exceptionnelle. Ralph Fiennes insuffle à son personnage une poésie et un charisme tel qu'il est impossible de douter à un seul instant des actions du personnage. Mieux encore, on vit avec lui sa romance interdite et nos jambes tremblent comme son cœur peut le faire. C'est un passionné et même si ses actes restent secrets, son visage parle pour lui. Felicity Jones, quant à elle, est une des actrices les plus bouleversantes au monde. Elle a cette force, cette sobriété tellement réelle et pourtant si charismatique qu'elle nous fait vivre tous les instants, même communs, comme s'ils étaient de vrais moments de vie. Elle sublime les acteurs à côté d'elle - chose rare, une actrice trop talentueuse éclipse souvent les gens autour. La somptueuse Felicity au regard d'ange apporte de la profondeur à cette histoire. Elle apporte son monde. D'ailleurs, l'émotion vient si facilement dans son jeu (comme avec sa prestation dans Like Crazy) que l'on pourrait même penser qu'elle n'est pas vraiment actrice. Peut-être qu'elle se contente d'être elle-même. Ou peut-être que c'est ça, la quintessence même du rôle au cinéma. Oublier que c'est justement du cinéma.
La réalisation est épurée. Les séquences d'émotions sont souvent accompagnées avec des violons ou du piano, mise en scène convenue mais qui ici apporte du charme et une beauté envoûtante aux plans. Le film dure un peu moins de deux heures et l'action est souvent très lente ce qui nous permet de se laisser aller, comme les personnages principaux, à cette douce histoire qui prend son temps sous la plume magnétique de Dickens.
J'aime énormément ce film parce qu'il retranscrit des émotions impalpables, des émotions qui se retrouvent dans certains livres, des émotions qui repartent aussi vite qu'elles sont arrivées. Ralph Fiennes arrive à mettre le doigt sur cet amour des sens qui perd de sa superbe lorsqu'il est vécu différemment. Quand l'une des deux personnes attend, vit pour l'autre, quand elle ne fait qu'exister dans l'ombre de et que la considération se fait absente. Quand l'amour se partage à deux, uniquement à deux, quand l'amour est une force irrépressible qui fait ressortir en nous des instincts qui nous perdent. Ces moments, Ralph Fiennes arrive à les filmer grâce à son actrice et grâce à la séduction latente des deux aimés. Grâce à sa photographie et ses costumes, beaux. Tout simplement beaux.
Comment être épanoui lorsque vous donnez tout alors que l'autre ne vous donnera jamais que la moitié ?
Cette note est juste, ou pas. Représentative, je ne sais pas. Elle représente en tout cas l'état dans lequel il a laissé mon petit cœur tout mou. Si ces quelques mots permettent à une personne, une seule, de ressentir comme j'ai pu ressentir après avoir vu ce film, alors le pari est gagné.