A 77 ans au compteur, Martin Scorcese semble ne rien avoir perdu de sa fougue et de son ambition. Il nous livre "The Irishman", fresque sur un travailleur américain qui, entre les années 50 et 70, se met au service de la mafia italienne, et du célèbre syndicaliste Jimmy Hoffa. Le film a joué sur le fait qu'il s'agit à sa sortie du plus gros budget pour une production Netflix, mais surtout sur le rajeunissement numérique de ses personnages. Car il réunit les prestigieux Robert De Niro, Joe Pesci, et Al Pacino, et les fait évoluer sur plusieurs décennies !
Attaquons tout de suite le cas de ce fameux rajeunissement : s'il pique parfois les yeux au premier abord (surtout pour De Niro), d'autant plus que la morphologie et la gestuelle des acteurs trahit leur âge réel, on s'y habitue assez vite. Et il serait dommage de s'arrêter à ces éléments, car le film est beaucoup plus profond. On y retrouve un style proche de "Goofdellas" et "Casino" : voix-off entraînante, montage dynamique et efficace, narration vertigineuse enchaînant les divers rebondissements et intrigues secondaires, etc.
Toutefois, Scorcese semble vouloir ici davantage se poser. Par rapport à ses prédécesseurs, le film est plus long, plus lent, moins violent, et s'intéresse davantage à la fin de la vie de ses personnages qu'à son début. Il apporte ainsi une réflexion sur la vie de gangster, la loyauté, et l'ambition. Il en profite pour livrer une vision assez cinglante du fameux Jimmy Hoffa. A ce niveau, le trio d'acteur principal est excellent. Robert De Niro et Al Pacino semblent retrouver goût au jeu d'acteur après 20 ans d'errements discutables, surtout Pacino, incarnant un Hoffa charismatique, impulsif, et obsédé par le pouvoir. Par ailleurs, on retrouve avec grand plaisir Joe Pesci, devenu trop rare, et jouant un gangster aussi touchant qu'inquiétant. "The Irishman" est donc une très bonne surprise pour ceux qui craignaient de voir des acteurs vieillissants et un réalisateur fatigué.